Zorglub et XIII

XIII, Spirou : l’art de réinventer un personnage

Alors que le mois de la BD se poursuit à Lyon, Olivier TaDuc et José-Luis Munuera racontent à Lyon Capitale le plaisir et les difficultés qu’ils ont eus à reprendre des personnages emblématiques.

XIII, extrait ()

extrait de XIII Mystery, Jonathan Fly, dessin d'Olivier TaDuc

Au cinéma comme dans la bande dessinée, les éditeurs ont compris tout l’intérêt qu’il y avait à faire vivre leurs personnages, parfois jusqu’à l’usure. Mais les considérations marketing n’interdisent pas les bonnes surprises, comme ces deux albums sortis à l’occasion du festival Lyon BD : Jonathan Fly, le 11e tome de la série XIII Mystery, avec Luc Brunschwig au scénario et Olivier TaDuc au dessin, chez Dargaud, et La Fille du Z, premier tome d’une série dédiée à Zorglub, le méchant de Spirou, imaginée et dessinée par José-Luis Munuera, chez Dupuis. Avec Jonathan Fly, Olivier TaDuc donne vie pour la première fois à l’enfance de Jason Fly, le héros de la série XIII. "Je crois que Jean Van Hamme voulait se le réserver pour lui mais, en lisant le scénario, il nous a accordé cette faveur-là" confie-t-il, "fier de faire partie de l’équipe de cette série prestigieuse". Tout l’intérêt du scénario, c’est que l’on découvre le personnage enfant et que l’on devine les premiers tourments qui l’amèneront plus tard à rejoindre la CIA et vivre les aventures que l’on connaît. "Le postulat était d’associer des auteurs qui n’ont jamais travaillé ensemble, pour rompre les habitudes de travail. Ils voulaient aussi un auteur qui ait une certaine maturité, qui ait lui-même des enfants. C’est plus un épisode psychologique qu’une histoire d’aventure, le point fort de l’album, c’est la relation père-fils." Ce qui fait la réussite de l’album, c’est aussi un trait qui replonge le lecteur dans l’ambiance des premiers albums de la série, ambiance qui s’était peu à peu effilochée à force de rebondissements un peu tordus. "J’ai remarqué que Vance, dans XIII, mais aussi dans Bruno Brazil ou Bob Morane, mettait pas mal de noir pour densifier son dessin. Je me suis dit qu’il fallait aller dans ce sens, ça dramatise. Mais je n’ai pas cherché à coller à son dessin. Tous ceux qui ont repris la série l’ont fait avec leur style. Quand j’ai vu ça, je me suis dit qu’il serait possible de se faire plaisir. À la base, mon dessin est peut-être plus proche de lui, tant mieux, mais je ne l’ai pas cherché" , détaille Olivier TaDuc, qui entend désormais retrouver ses propres personnages et n’aurait pas accepté de signer un plus long bail avec le personnage d’un autre : "On peut se gâter la main à vouloir dessiner dans l’esprit de quelqu’un." Il s’est donc replongé dans l’univers de Chinaman, "mais vingt-cinq ans plus tard" : "J’avais envie de faire vieillir le personnage, de le retrouver à mon âge, et de mettre un terme à cette série."

Spirou : “la pression était extrêmement dure”

Dans La Fille du Z, le rapport parent-enfant est aussi à l’honneur. La bonne idée est de donner une fille au méchant de Spirou, Zorglub, "le savant fou, mégalomane et gaffeur" et José-Luis Munuera a probablement réussi à donner vie à une nouvelle série, où l’on ne rencontrera pas Spirou, ni Fantasio. Munuera est lui un vrai spécialiste de la reprise. "Je kiffe bien cet exercice, confie-t-il. Ça me remet en contact avec mes expériences de lecteur, j’essaie de traduire mes émotions." Pour des albums d’hommage à paraître, il a ainsi accepté de faire des histoires courtes de Valérian et des Tuniques bleues. Il a signé aussi les aventures de Nävis jeune, l’héroïne de la série Sillage. "J’ai aussi fait les aventures de Boule et Bill plus petit. Si ça continue, je ferai les aventures prénatales d’Astérix et Obélix !" rigole-t-il. On lui doit surtout quatre albums de Spirou et Fantasio, qui avaient autant dynamisé la série que désarçonné ses aficionados.

Zorglub ()

extrait de Zorglub, la fille du Z, de José-Luis Munuera

"C’était une fierté de le faire, oui. Mais c’était extrêmement dur, je ne sais pas qui aurait résisté au type de pressions qu’on a subi pendant des mois. On aurait fait mieux avec plus de tranquillité pour travailler. On a changé cinq fois de directeur de collection pour quatre albums. À force de vouloir faire plaisir à tout le monde, on a perdu notre impulsion", confie aujourd’hui José-Luis Munuera. S’il revient dans cet univers, c’est après en avoir tiré les leçons : "Là, j’ai eu une totale liberté, bénéficié d’une totale confiance de l’éditeur. Si j’ai merdé, c’est ma faute, j’ai fait exactement ce que j’ai voulu. Ce n’était pas le cas avec Spirou. C’est moi qui ai proposé Zorglub. Je ne suis absolument pas rancunier, on était tous soumis à une grosse pression, les décisionnaires ne sont plus les mêmes." Le résultat le satisfait, légitimement : "Les deux personnages ensemble fonctionnent très bien, cela permet des moments de comédie, de tendresse, d’aventure. Il y a plein de choses à explorer. Les retours sont très positifs, je le sens bien."

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