À l'occasion de la journée des droits des femmes célébrée le 8 mars, l'association Fil'Actions a organisé une balade urbaine à la rencontre de celles qui ont marqué l'histoire lyonnaise. Avec une balade intitulée "Où sont les femmes ?", le ton était donné.
"En France, seulement 10% des noms de rues sont des noms de femmes alors que nous constituons près de la moitié de la population !", s'insurge Maryvonne Bin-Heng, présidente de l'association Fil'Actions. Une vingtaine de personnes qui avaient répondu présentes s'est donc lancée à la redécouverte du 1er arrondissement de Lyon, avec comme seul mot d'ordre : mettre à l'honneur la gent féminine.
"Il était temps", précise Lamia, chercheuse dans le domaine de la santé : "Aujourd'hui, j'ai découvert des femmes dont je n'avais jamais entendu parler. L'injustice entre les genres perdure". Et selon elle, la journée du 8 mars ne permet pas la valorisation du sexe féminin : "D'autres pays comme la Russie ou l'Algérie célèbrent cette journée comme il se doit. En France, c'est très timide. Je trouve cela vraiment dommage".
Cet événement convivial était donc l'occasion de revenir sur le parcours d'une dizaine de femmes qui ont marqué l'histoire de Lyon. En voici quelques-unes :
Marceline Debordes-Valmore, “la poétesse maudite”
Il y a près de deux siècles, un appartement situé au numéro 10 de la Place des Terreaux a accueilli celle que l'on surnomme "la poétesse maudite" : Marcelline Debordes Valmore. Cette dernière a séjourné dans la capitale des Gaules durant près de dix ans. En 1821, elle a fait ses débuts en tant que comédienne au Grand Théâtre, autrement dit l'actuel opéra. Mais c'est surtout pour ses écrits qu'elle est reconnue aujourd'hui. Celle qui n'a jamais été scolarisée a pourtant été admirée par les plus grands, comme Victor Hugo, Baudelaire ou Louis Aragon.
"Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire, j'écris pourtant", notait Marceline Deborde Valmore dans son poème Une lettre de femme. Aujourd'hui encore, ses œuvres sont reprises, notamment par Julien Clerc, Benjamin Biolay et Pascal Obispo. Des textes, qui deux siècles après leur écriture, continuent à trouver une résonance particulière dans la société contemporaine.
Juliette Récamier, une femme d’esprit
Où se situe actuellement la mairie du 1er arrondissement se trouvait un couvent au 18e siècle. Durant son enfance, Juliette Récamier y a été en pension. À 15 ans, elle a fait l'objet d'un mariage arrangé et a épousé Jacques-Rose Récamier, riche banquier d'origine lyonnaise. Une relation platonique qui l'a menée vers une séparation quelques années plus tard. Selon des historiens, Jacques-Rose Récamier serait en réalité son père biologique.
La jeune femme a également séjourné à Paris où elle a tenu un salon mondain. Une audace lorsque l'on sait que la majorité des salons étaient tenus par des hommes, les femmes ne devant intervenir dans des débats politiques ou sociétaux. Fermement attachée à ses valeurs et s'opposant à Napoléon Bonaparte, Juliette Récamier a connu l'exil, au début du 19e siècle.
À Lyon, elle est renommée pour avoir organisé des salons permettant de collecter des fonds pour aider les victimes des graves inondations de la ville.
Julie-Victoire Daubié, première femme bachelière
Julie-Victoire Daubié n'est pas originaire de Lyon. Pourtant, cette ville lui aura permis de passer le baccalauréat en 1861, alors qu’elle est âgée de 37 ans. Celle qui se passionnait pour les études rêvait d'obtenir ce précieux sésame. Pourtant, à cette époque, seuls des hommes s'inscrivaient au concours. Aucune loi n’interdisait l'accès aux femmes mais dans la pratique, très peu de rectorats les acceptaient.
L'unique rectorat à avoir répondu favorablement à la demande de Julie-Victoire Daubié est celui de Lyon. En 1861, Julie-Victoire devient donc la première femme bachelière. Afin de lui rendre hommage, une place située dans le 8e arrondissement porte son nom.
La mère Brazier, figure emblématique de la gastronomie lyonnaise
"Sur la fresque des Lyonnais, on aperçoit Bocuse bien sûr, mais la mère Brazier, elle, n'y est pas !", s'indigne la présidente de l'association Fil'Actions.
Celle qui, par sa cuisine, "mettait la ville à ses pieds" semble, en effet, être la grande absente de cette fresque, œuvre emblématique de la ville de Lyon. Eugénie Brazier, surnommée la Mère Brazier, a créé en 1921 un bouchon typique lyonnais. La qualité de son travail lui permet d'obtenir deux étoiles au guide Michelin en 1932.
En 2001, son nom est donné à l'une des rues du 1er arrondissement. Un geste symbolique bien que le combat pour obtenir l'égalité des sexes n'est pas encore gagné.
"Aujourd'hui, il y a encore trop peu de cheffes dans le milieu culinaire. Quand on regarde les chefs invités par Gérard Collomb pour célébrer la gastronomie lyonnaise, on cherche les femmes ! ", s'est exclamée Agnès, l'une des bénévoles de l'association.