Otages, d’après le roman éponyme de Nina Bouraoui © DR

À l’opéra, les femmes jouent leur propre carte

Baptisé Rebattre les cartes, le festival de l’Opéra de Lyon cuvée “printemps 2024” nous propose trois œuvres dans lesquelles, une fois n’est pas coutume, le rôle central est donné à un personnage féminin. Avec La Fille du Far West de Puccini, La Dame de pique de Tchaïkovski et Otages de Sebastian Rivas, ce sont trois histoires traitant d’émancipation que nous sert l’Opéra de Lyon.

Souvent relégués au rang de faire-valoir, les personnages féminins ont brillé au théâtre, au cinéma ou à l’opéra, par leur position “par rapport à un homme”.

Femmes, amantes, maîtresses, mères, sœurs, égéries : les figures féminines sont la plupart du temps utilisées comme un stimulant, un “carburant” au service d’un personnage central, masculin, agissant, acteur de son destin là où les rôles féminins demeurent corps impuissants, témoins de l’action ou ne servent qu’à mieux brosser la psychologie du personnage masculin.

Dans bon nombre d’œuvres, la femme meurt à la fin de l’histoire, des erreurs de son amant (L’Orfeo), de chagrin (La Traviata), d’un suicide (Didon et Énée) ou tout bonnement des mains de l’homme (Wozzeck).

Se positionnant de manière volontariste face à cette “malédiction”, l’Opéra de Lyon a décidé de présenter, dans le cadre de son festival, trois œuvres dérogeant à cet invariant culturel.

Un défi audacieux pas tout à fait relevé puisque dans La Dame de pique, de Piotr Ilitch Tchaïkovski (sur un livret de Modeste, le frère du compositeur d’après une nouvelle d’Alexandre Pouchkine), Lisa, désespérée d’amour, finit par se jeter dans la Neva tandis que sa tutrice la Comtesse, aka la Dame de pique – malgré son charisme et sa liberté de mœurs affichée –, décède également sous le choc, menacée par Hermann.

Si ce dernier, gagné par la folie et le désespoir, finit par se donner la mort après s’être rendu compte qu’il n’était finalement pas en possession du secret de la Dame de pique – les trois cartes gagnantes lui garantissant richesse et pouvoir –, il demeure cependant l’acteur du drame, victime de son hubris.

C’est Timofeï Kouliabine qui sera chargé de mettre en scène cette nouvelle production dont la direction sera assurée par Daniele Rustioni.

La conquête de l’émancipation

On retrouve Rustioni à la baguette dans La Fille du Far West de Giacomo Puccini, un western avant l’heure des cinémas hollywoodien et spaghetti.

Minnie tient un saloon dans les montagnes de Californie. En pleine conquête de l’Ouest, elle veille sur sa clientèle composée de chercheurs d’or, assurant nourriture, boisson, écrivant leurs lettres et gardant leur or en lieu sûr. Telle une mère, une sœur, elle leur lit régulièrement la Bible.

Quant au shérif Jack Rance, il en pince pour elle tandis que la jeune fille lui préfère Dick Johnson, un bandit au grand cœur qu’elle cache et dont elle obtiendra le salut à l’issue d’une partie de poker qu’elle remporte – en trichant – face au shérif avant de s’en aller à cheval avec Johnson vers l’Est et une nouvelle vie.

Si La Fille du Far West n’est pas l’opéra le plus populaire de Puccini, il n’en demeure pas moins une réussite, fort de son livret original racontant pour la première fois une histoire américaine et d’une partition puissante et inspirée.

On retrouvera Tatjana Gürbaca à la mise en scène.

La troisième production de ce festival est présentée en collaboration avec Grame dans le cadre de l’édition 2024 de la Biennale des musiques exploratoires (B!ME).

Composé par Sebastian Rivas (co-directeur artistique de Grame) d’après le roman éponyme de Nina Bouraoui, Otages nous plonge dans le monde de l’entreprise et ses dérives managériales.

Sylvie n’a jamais fait de vagues. Elle s’est, cinquante-trois années durant, conformée successivement aux désirs et aspirations de ses parents, son mari, son patron… Elle rêve parfois d’une autre vie mais se tait, consent. Aliénée par le travail, elle accepte – sous la pression de son patron – de mettre en œuvre le plan de licenciement dont les membres de son équipe, qu’elle appelle affectueusement ses “abeilles”, seront les victimes. Prête à trahir sa classe sociale, elle fera au dernier moment marche arrière en un acte de désobéissance civile qui lui permettra enfin d’affirmer haut et fort : “Je suis Sylvie Meyer.”

Un récit social sur l’émancipation, original et audacieux dans sa thématique, qui sera présenté en création mondiale dans une mise en scène signée Richard Brunel.


Festival de l’Opéra de Lyon - Rebattre les cartes –Du 15 mars au 3 avril à l’opéra de Lyon et au théâtre de la Croix-Rousse (Otages) – www.opera-lyon.com

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