Égal à lui-même et donc toujours soucieux de surprendre, À Vaulx Jazz frappe fort cette année avec la venue pour le moins inattendue d’une formation post-punk (!) culte qu’on croyait perdue : les Young Marble Giants.
À Vaulx Jazz, si on osait, on dirait que ça “brass”, et pas seulement à cause des ensembles de cuivres du même nom, les “brass bands” que l’on voit chaque année aux environs du centre culturel Charlie-Chaplin, on ou off, dans ou hors les murs. Bref, on sait l’attachement qu’a le festival vaudois pour l’ouverture musicale, on le répète chaque année car l’événement lui-même a le bon goût de se répéter, positivement donc, de la sorte. La recette de ce changement dans la continuité éparpillée, c’est bien évidemment de convoquer les valeurs sûres qu’on aime revoir arpenter les raouts jazz, Vaulx étant comme chacun sait le bouchon de champagne, la première déflagration de la saison festivalière du genre. Ainsi l’on ne s’étonne guère de la présence d’un Jean-Jacques Milteau, d’une Dianne Reeves ou d’un Gregory Porter, tous autant qu’ils sont poids lourds incontestables et têtes d’affiche quasi incontournables. Cherchant en amont (une passionnante conférence en off, le 1er mars, sur “Le blues et l’identité noire américaine”) et en aval : les cousinages fréquents entre cinéma et jazz, présentés lors d’une soirée “Jazz et cinéma” avec le Keystone Big Band, et exaltés par un concert exceptionnel de l’accordéoniste Richard Galliano qui rouvre aux quatre vents – et même plus – de son instrument les partitions du maître du score italianisant (Fellini, mais aussi Le Parrain) Nino Rota. Ou carrément à la marge vers d’autres horizons.
Géants aux pieds d’argile
Voilà quelques éditions qu’À Vaulx Jazz confie l’organisation d’une soirée aux activistes rock de Grrrnd Zero. Une main tendue qui fait du bien à tout le monde : d’une part, on sait les difficultés dans lesquelles le collectif se débat depuis sa naissance ; d’autre part, l’initiative permet sans doute de dépoussiérer l’image faussement compassée que l’on peut avoir des festivals de jazz – qui nous prouvent pourtant tout le contraire, la plupart du temps. Mais, à force, ce qui devait arriver arriva : les petits gars de Grrrnd Zero s’y entendent un peu en programmation et, s’ils n’ont pas de pétrole et à peine un toit sur la tête, ils ont des idées et de la ressource comme personne. En conséquence, la soirée la plus passionnante, celle qui attise le plus la curiosité de tout fan de musique qui se respecte, sera bien celle dite des “musiques actuelles”. Car voilà qu’on est allé chercher rien moins que les Young Marble Giants.
Que vient faire dans À Vaulx Jazz un groupe de Cardiff qui trois ans durant (de 1978 à 1981) – et en un seul album ! – donna dans le post-punk ? C’est que le genre est moins éloigné du jazz qu’on ne le croit – il faudrait réécouter Joy Division, mais on n’a pas le temps et ce n’est pas le sujet... Cette carrière aussi météore que marquante valut au trio un statut culte, d’être repris par Indochine – on ne choisit pas toujours ses adeptes... – et d’influencer des groupes aussi éminents que The Cure. Ne pas s’imaginer pour autant une musique rentre-dans-le-lard, un géant de marbre dévalant la colline punk dans un son assourdissant. Au contraire, ces colosses-là avaient les pieds d’argile, entremêlant finesse et complexité au cœur d’une esthétique qui se voulait dévastatrice de neurasthénie. On imagine plus d’un jazzeux se repaître de cette drôle de tambouille.
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À Vaulx Jazz. Du 20 février au 23 mars.
Blues et identité noire américaine, le 1er mars, à 20h, au centre social JJ Peyri, rue Joseph-Blein (Vaulx-en-Velin).
Jazz et cinéma, le 12 mars. Musiques actuelles (Young Marble Giants), le 16 mars. Nuit américaine (Dianne Reeves, Gregory Porter), le 19 mars. Blues (JJ Milteau), le 23 mars. Poésie et Cinecitta (Richard Galliano), le 22 mars. Toutes ces soirées commencent à 20h30, au centre culturel Charlie-Chaplin, place de la Nation, Vaulx-en-Velin.
