Senssala
La générale de Senssala à Vaulx-en-Velin

À Vaulx, le vivre-ensemble monte sur les planches

La création de Senssala a eu lieu le mardi 20 décembre au Centre Charlie-Chaplin de Vaulx-en-Velin. Belle occasion de revenir sur un projet généreux, avant une deuxième représentation, prévue cette fois au Théâtre des Célestins.

Senssala, fragments de vie cousus, est un spectacle qui a une histoire. A l’origine, on trouve une commande de l’Etat, passée en 2014 via le Préfet du Rhône et engagée auprès de Claudia Stavisky, la directrice du Théâtre des Célestins. Il s’agissait, à Vaulx-en-Velin, "de composer une troupe d’amateurs qui soit une radiographie de cette ville diverse et bigarrée, reflétant toutes les générations, les milieux sociaux, les confessions religieuses etc." Une mission parfaitement remplie de ce point de vue puisque ce sont pas moins de 53 Vaudais qui ont participé à au moins un atelier théâtral mis en place, animés par différents intervenants, aussi bien des techniciens, des auteurs, des compositeurs que des metteurs en scène. Mais tout cela ne pourrait être qu’un de ces projets "socio-cul" devenus tellement à la mode dans les années 80. Une entreprise visant à se donner bonne conscience en amenant dans des endroits défavorisés un peu des moyens et des pratiques culturelles de communes mieux dotées. Mais non. Ou, plutôt, c’est beaucoup plus que ça. C’est en tout cas l’impression que l’on eue en assistant à la première présentation de Senssala au centre Charlie Chaplin.

Une structure solide et bondissante

D’abord le spectacle tient la route, son ossature est solide. Il est basé sur un texte de Simon Grangeat, lequel s’est inspiré de l’ouvrage de Philippe Dujardin, politologue et chercheur lyonnais, La chose publique. Un livre composé de réflexions sur les premières tentatives de vie en société, sur les différentes façons dont les individus se sont regroupés et ont commencé à s’organiser pour vivre ensemble. Simon Grangeat a relié ses textes, leur a donné une forme de fable orientale, dans laquelle les contes s’enchaînent et se répondent. Une structure bondissante et fluide proche de celle des Mille et une nuits. Les récits se succèdent, nous confrontant à différents personnages qui se rassemblent en famille, en tribu et tentent de trouver un asile sur une terre souvent hostile. Fait notable, les femmes ont une place prépondérante et les histoires d’amour ne sont jamais loin, comme si c’était l’élément féminin et amoureux qui était le meilleur ciment des vies en collectivité. On croit reconnaître des exemples historiques dans les différents récits mais l’on est surtout happés par la densité de ces expériences multiples où l’utopie première se heurte à la douloureuse réalité, celle de l’exil forcé, des migrations erratiques.

Interprétation émouvante

Sur une scène occupée simplement d’estrades et de strapontins qui permettent différentes hauteurs de jeu (sans compter les incursions dans les travées du public), une vingtaine de comédiens prend en charge tous les rôles des différents récits. Ce sont des amateurs, même si certains d’entre eux ont depuis rejoints de "vraies" troupes théâtrales. Ils bafouillent un peu, leur voix ne porte pas assez et leurs déplacements sont parfois empruntés mais l’investissement qu’ils mettent dans l’interprétation de leur(s) personnage(s) et l’énergie qu’ils déploient durant toute la représentation compensent largement leurs maladresses. Ils parviennent à partager l’émotion qui les envahit mieux que beaucoup de grands "pro", peut-être parce qu’elle est plus sincère. Et, ne serait-ce que pour cette raison, ce spectacle, fruit d’un projet au long cours, mérite notre respect et notre admiration.

Senssala, fragments de vie cousus, le jeudi 5 janvier 2017 au Théâtre des Célestins.
4, rue Charles-Dullin. Lyon 2e. 04 72 77 40 00.
www.celestins-lyon.org

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