Achetez du cuivre

Le spectacle d’Olivier Rey commence par une fin. Celle de la pièce Huis Clos, dans sa mise en scène signée Michel Raskine, directeur du théâtre du Point du Jour. La pièce s’achève donc avec, notamment, ce qui est presque devenu un poncif, “l’enfer c’est les autres”, et les comédiens quittent la scène. Ils vont se changer, se démaquiller, et se retrouver à nouveau sur les planches, autour d’un verre, en face d’un “philosophe” (joué par le metteur en scène Olivier Rey lui-même) venu les interroger sur leur métier. Ils vont alors se lancer dans une lecture de L’Achat du cuivre, un écrit théorique de Bertolt Brecht composé de dialogues, de schémas, de poèmes inachevés.

Et tout comme l’essai du dramaturge marxiste est complexe et tentaculaire, la pièce d’Olivier Rey se découpe selon un canevas périlleux, mêlant l’improvisation et la volonté de véhiculer un discours très précis. Qu’est-ce que le théâtre, quelle est la valeur ajoutée des artistes, les comédiens doivent-ils incarner plus que jouer leurs personnages, s’agit-il pour le dramaturge d’imiter la réalité ? Autant de questions auxquelles Olivier Rey se propose de répondre (ou pas), en demandant à ses comédiens de ne pas jouer, autant que possible, et à sa technicienne de rythmer à vue le spectacle. Ou comment faire du méta-théâtre sans être ennuyeux à se pendre. Le parti pris devient de plus en plus risqué qu’il propose même de faire tomber le fameux 4ème mur théorisé par Brecht, celui qui sépare les comédiens des spectateurs. Avant d’offrir un coup à boire à son public, sans pour autant fêter comme c’est curieusement la mode en ce moment n’importe quelle chute de mur.

Le metteur en scène réussit à aller jusqu’au bout de son idée, en proposant une autre forme de spectacle, en donnant une leçon de théâtre avec le moins de jeu possible et, pour autant, qui plaide pour le travail des comédiens. Et finalement, bien plus qu’une leçon de théâtre, qu’un discours marxiste un peu naïf aux entournures, L’Achat du cuivre est une profession de foi, celle d’un metteur en scène qui, pour cela, a décidé de s’exposer. De se mettre à poil (au moins le haut), à côté d’acteurs mis en danger dans une opération de théâtre plutôt inclassable et assez réussie.

Jusqu'au 22 novembre, au théâtre du Point du Jour, 7 rue des Acqueducs, Lyon 5è.

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