Une tradition bien française que de magnifier les seconds et les perdants, de Poulidor à Virenque, de l'Equipe de France 82 (ah, la défaite de Séville, plus belle que toutes les victoires) à Cindy Sander. La Fontaine en avait même fait une fable dans laquelle le second tout désigné va jusqu'à gagner la course, comme Gérard Collomb, éternel loser devenu winner. Amel Bent en est l'un des plus vibrants exemples : en 2004, elle finit troisième de la deuxième édition de Nouvelle Star derrière le rocker Steeve Estatoff et Julien Laurence (qui ça ?). Mais c'est elle qui rencontre le succès. Avec son premier single, Ma Philosophie, Amel vise la lune et la décroche : numéro 1 des ventes. Le phénomène n'est pas isolé : du côté de la Starac' aussi des gagnants se gaufrent (Magali Vaé, Cyril Cinélu) tandis que des seconds couteaux tirent leur épingle du jeu (Olivia Ruiz, Emma Daumas). Problème, la magnification des perdants finit par engendrer le chaos. Et " l'effet Amel Bent" par muter en " effet Cindy Sander ". La tendance apparaît aux Etats-Unis lors de la 6e saison d'American Idol, le Nouvelle Star américain, lorsque les internautes se mobilisent pour sauver, plusieurs semaines durant, le pire candidat, Sanjaya Malakar. Prématurément éliminée au casting, mais plébiscitée par le public et un buzz digne des Ch'tis, Cindy Sander est d'ores et déjà la grande gagnante de l'édition 2008 : en plus d'un single (et peut-être un album), Cindy sera prochainement l'héroïne d'une émission de téléréalité au comble de la condescendance, Bienvenue chez les Sander. Et quand elle vient chanter, essoufflée comme un animal de trait, Papillon de Lumière en direct à la Nouvelle Star, elle booste l'audience de l'émission, sous l'œil d'un jury en pleine descente d'organes. Sinclair avait pourtant prévenu, lâchant sur Canal+, à l'attention des média : " Vous êtes en train d'engendrer un monstre ". Qu'on ne vienne pas se plaindre, cet été, quand les papillons de lumière attaqueront nos tympans en vol serré.
Kevin Muscat
Amel Bent. Le vendredi 9 mai au Transbordeur, 3 boulevard Stalingrad, Villeurbanne. 04 72 43 09 99 ou www.transbordeur.fr