Curieux ou expos-phages, nous vous proposons ce mois-ci de vous excentrer et d’aller voir un peu ailleurs à quoi l’on rêve. Pour ne pas croire toutes les coquecigrues qui traînent. En revenant, faites donc étape entre deux eaux, avant que Corto ne prenne le large.
Un inventaire à la Pruvost au Polaris
Bernard Pruvost ouvre des univers. Ils ne sont pas confinés sur une feuille se remplissant petit à petit de taches, de graffitis, de dessins, ni même de desseins. Ils sont des voyages qui prolifèrent. Des formes naissent et s’acoquinent. Elles peuvent même délirer par tous les temps. Des créatures étranges, sinon étrangères, sont finement ciselées par cet expérimentateur protéiforme. Elles s’accumulent, se répètent, se répandent, se répondent, dansent une gigue sans fin. Elles ne craignent pas le stupre et ses ébats, ni les fêtes barbares dans un copularium à venir. Bernard Pruvost les conte dans les chemins de ses encres de traverse ou de ses aquarêves. Dans un perpétuel mouvement, délicat, où s’inventent des fariboles fabuleuses. Ses mondes, ses univers, vivent en libertaires. Ils ne sont ni répertoriés ni classables.
Lettré raffiné, Bernard Pruvost a certes des connaissances solides, choisies. Il a croisé l’Afrique, la musique, l’écriture, le dessin, le surréalisme, Wols. Ils se sont reconnus, fréquentés. Ils ont bu des verres ensemble. Lui déguste particulièrement l’imprévisible, soigneusement débusqué, l’indéfinissable pour nos mots, les ramifications plus ou moins inconscientes, les traits fins, les formes inconnues qui jaillissent, toutes les couleurs, la capacité d’élargir les horizons. Toutes les surprises s’invitent déjà dans les titres gourmets et gourmands : Le Balivernium des coquecigrues, Le Paravent à jour ou Entrez au vestibule des méthodes magiques et démodées… Celui de l’exposition est une invitation aux voyages.
Bernard Pruvost – Jusqu’au 14 novembre au Polaris (Corbas)
Un logo de Secours rue de la Poulaillerie
Après Warhol, le musée de l’Imprimerie consacre comme chaque année une exposition à un ou plusieurs logos connus ou inconnus des publics. En 2018, il se penche sur l’identité visuelle et graphique du Secours Populaire Français, réalisée par le collectif Grapus en 1984. Cette main ailée bleu-blanc-rouge est l’occasion de se demander comment une association humanitaire choisit de se signaler dans l’espace, évolue sur plusieurs années et peut transmettre au premier regard des convictions de solidarité et d’humanisme. Des archives et des documents de travail retracent la grande tradition esthétique et graphique du Secours Populaire, dont les premières images ont été notamment confectionnées par Picasso ou Jean Cocteau. Ce logo dialogue avec une autre identité visuelle “humaniste”, conçue par le graphiste croate Boris Ljubicic en 1979 pour les Jeux méditerranéens de Split : trois anneaux olympiques à moitié plongés dans l’eau.
Identité visuelle et graphique du Secours populaire – Du 15 novembre au 24 février au musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique
Deux magiciens au musée Miniature
Le musée Miniature et Cinéma nous fait voyager dans l’univers poétique et fantastique des films les plus marquants du duo Caro & Jeunet. Le premier, Marc Caro, est un auteur de bandes dessinées qui a débuté dans la revue Métal hurlant à la fin des années 1970. Il a également publié ses planches dans les magazines Fluide glacial, Charlie mensuel et L’Écho des savanes. C’est aussi un musicien électronique (du groupe Parazite) et un cinéaste issu du cinéma d’animation et de la vidéo expérimentale. Son acolyte Jean-Pierre Jeunet est né le 3 septembre 1953 à Roanne, il a développé très vite son propre univers et c’est la caméra Super 8 apportée un jour par un ami de ses parents qui lui a montré une voie devenue la sienne. Véritable autodidacte, il a commencé par réaliser des films d’animation, L’Évasion, Le Manège, avec des personnages sculptés par Marc Caro, puis Pas de repos pour Billy Brakko d’après une BD du même Caro. Ces courts-métrages ont fait parler de lui et glané de multiples récompenses en France et à l’étranger. Ensemble, toujours, ils réalisent alors Le Bunker de la dernière rafale, court-métrage culte de science-fiction qui passa en première partie de l’Eraserhead de David Lynch dans une salle parisienne durant six années. En 1989, il réalisa seul Foutaises avec, déjà, son acteur fétiche, Dominique Pinon. Il a gagné une cinquantaine de prix, dont le césar du meilleur court-métrage. Le succès commercial et les nombreux prix de Delicatessen (1991) ont permis à Jeunet & Caro de mettre en chantier un projet ambitieux : La Cité des enfants perdus. Après la halle Saint-Pierre à Paris, l’exposition dédiée à leur œuvre rejoint les rues du Vieux-Lyon et son musée Miniature et Cinéma. Fruit d’une amitié entre le fondateur de celui-ci, Dan Ohlmann, et Jean-Pierre Jeunet, elle nous fait voyager dans l’univers poétique et fantastique des films les plus marquants des deux réalisateurs : Delicatessen, La Cité des enfants perdus, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Un Long Dimanche de fiançailles ou Alien – La résurrection… Les secrets les mieux gardés des coulisses de réalisation de ces films devenus cultes y sont dévoilés : story-boards (scénarios en images), photos de tournage, études de décors, tests maquillage, objets, costumes, maquettes… Un véritable cabinet de curiosités pour s’immerger dans le monde foisonnant des deux magiciens de l’image.
Caro/Jeunet, l’exposition – Jusqu’au 5 mai au musée Miniature et Cinéma (Lyon 5e)
L’anniversaire continue à l’IAC
L’Institut d’art contemporain est né en 1978, puis en 1988 avec la fusion, ou la quasi-disparition, du Frac Rhône-Alpes. Il est un lieu d’expérimentation de l’art officiel institutionnel avec le “Laboratoire espace-cerveau” dont le simple titre rappelle qu’il ne s’agit pas là d’autodérision. Pour célébrer ses quarante années, l’institution propose les expositions de Katinka Bock (empreintes et moulages dans un contexte sociologique) et de la “Collection à l’étude” (Anselmo, Bourget, Long) ainsi qu’un parcours dans la ville avec Jean-Luc Parant, invité d’honneur.
Katinka Bock / Radio (Tomorrow’s Sculpture 3) – Jusqu’au 20 janvier à l’IAC (Villeurbanne)
Et les coiffes de Galbert sont toujours cachées dans l’univers de Pratt
Si vous n’avez pas encore été voir la superbe exposition consacrée à l’auteur de BD italien Hugo Pratt (ou si vous cherchez une bonne raison d’y retourner), c’est l’occasion de découvrir deux trésors – dont un à plumes – issus de la collection Galbert.
Collectionneur, galeriste puis fondateur de la Maison Rouge à Paris (fermeture définitive fin 2018), Antoine de Galbert a offert l’intégralité de sa collection de coiffes au musée des Confluences. Près de 500 pièces, dont quelques costumes, ont rejoint les collections ethnographiques du musée. La plupart proviennent de cultures asiatiques et africaines et des arts traditionnels d’Amérique, d’Océanie, du Proche et Moyen-Orient.
Deux coiffes issues de cette collection – une amérindienne, de la région des plaines, datée de la fin du XIXe, et une mursi d’Éthiopie – se cachent dans l’exposition Pratt, entre les reproductions de planches XXL, les aquarelles et les croquis, parmi tous les objets réunis pour évoquer les civilisations qui l’ont inspiré. Du sol… au plafond.
Hugo Pratt / Lignes d’horizons – Jusqu’au 24 mars au musée des Confluences
M-A. Cap avec Stani Chaine
On vous en a déjà parlé et elles sont encore ouvertes : l’expo Vinci à la Sucrière et Buffet au musée Couty, Rainier Lericolais à l’Urdla et la rétrospective Bernar Venet du MAC.