Un document clair, pratique et très précieux.
Qui sait que la designer Andrée Putman travaille depuis 1993 au mobilier et luminaire de la primatiale Saint-Jean ?
Qui sait encore que la bibliothèque de l'ENS Lettres abrite un somptueux tableau de Zao Wou-Ki ? Ou encore que "La main tendue" devant la Tour Suisse à la Part-Dieu est une œuvre du célèbre sculpteur Arman ? Qui se souvient qu'une œuvre de Claudio Parmiggiani est enterrée dans le jardin du palais Saint-Pierre ?
Le guide "L'art contemporain dans les espaces publics du Grand Lyon", édité par la BF15 est une mine d'informations pour tous les curieux.
Réalisé par Marianne Homiridis, médiateur en art contemporain et Perrine Lacroix, artiste et directrice de la BF15, il recense près de trois cents œuvres d'art contemporain, avec photographie, plan et notice explicative complétée, le plus souvent, par les artistes eux-mêmes.
"C'est un guide touristique ; on a essayé de faire simple et pratique, avec des cartes et des propositions de parcours" explique Marianne Homiridis, qui a choisi de débuter ce travail d'inventaire par l'année 1978. "C'est la date du premier symposium de sculptures qui correspondait à la construction de la Part-Dieu, et l'année des premières commandes pour le métro lyonnais. Ça marque l'entrée de l'art contemporain dans notre territoire" justifie-t-elle.
"Il faut aussi développer un travail d'accompagnement, pédagogique, signalétique, pour que les gens s'approprient leur patrimoine"
A la lecture de ce guide, on se rend compte que l'art est présent dans toutes ses combinaisons avec l'espace public : sculpture bien sûr, mais aussi peinture (Raymond Grandjean), photographie, design, architecture, lumière (Yann Kersalé, François Morellet), technologies de l'image ou du son (P-A Jaffrenou au parc de Gerland)...
Les régionaux côtoient les artistes nationaux (Buren, Raynaud...) et internationaux (Matt Mullican, Bill Fontana...). Du côté des commanditaires, on trouve également de tout : villes, Etat, Région (de plus en plus avec le "1%"), les sociétés d'économie mixte comme LPA (et l'alliance systématique d'un artiste à chaque création de parking) ou la SACVL et enfin les entreprises privées et les fondations.
On réalise enfin qu'il y a eu des années fastes pour la commande publique : les symposium de 1978 et 1980, 1988 et l'an 2000 et des zones privilégiées : le 7e arrondissement grâce au métro et au développement de Gerland, Villeurbanne grâce à une politique municipale volontariste, le 4e arrondissement avec le superbe ensemble du Parc de la Cerisaie ou le 3e arrondissement avec la Part-Dieu.
Mais avec trois cents œuvres en trente ans - soit une moyenne de dix par année - on ne peut pas dire que le territoire du Grand Lyon déborde d'œuvres d'art contemporain.
"C'est peu sur un territoire si grand, souligne Perrine Lacroix. Et puis, il ne suffit pas de commander des œuvres, il faut aussi développer un travail d'accompagnement, pédagogique, signalétique, pour que les gens s'approprient leur patrimoine ; pour qu'il y ait bonne cohabitation" poursuit-elle.
Or ça n'est pas toujours le cas. Exemple emblématique : l'œuvre de René Roche, "signal spatial", installée place Jean Macé lors de travaux de la ligne B du métro en 1980. Conçue in situ, elle a pourtant soulevé de vives protestations de la part des habitants, si bien que la municipalité a voulu la déplacer et l'artiste s'est installé sur son œuvre pendant cinq jours et cinq nuits pour empêcher, en vain, ce démontage. Ailleurs, le démontage s'est effectué en douce, ainsi de cette œuvre, pourtant gaie, ludique et colorée, de Marthe et Jean-Marie Simonnet, Le retour des Sabines (1982), ôtée du parc de la mairie du 5e arrondissement sans même en informer les artistes.
Faut-il déplacer ou retirer certaines œuvres, devenues décalées ou obsolètes par rapport à leur contexte initial ? Comment concevoir une signalétique, prévoir un plan de restauration des œuvres, dont certaines sont très détériorées ? C'est aussi toutes ces questions que les auteurs de ce guide souhaitent publiquement mettre en débat.
"Avec ce guide, les artistes ont enfin une visibilité dans le Grand Lyon, et ça, c'est primordial. Désormais, j'aimerais qu'on organise une rencontre avec tous les acteurs et qu'on discute ensemble pour envisager ce qui peut être fait dans les prochaines décennies" annonce Marianne Homiridis. C'est le moment ! Il se trouve notamment que les deux principaux candidats à l'élection municipale à Lyon, le maire sortant PS Gérard Collomb et le député UMP Dominique Perben ont tous les deux inscrit la statuaire publique comme une priorité de leur projet culturel.
L'art contemporain dans les espaces publiques, territoire du Grand Lyon, 1978 / 2008, édition La BF 15, 12 euros.
Le guide est disponible à la BF 15 dans le cadre de l'exposition "rond-point" qui présente des œuvres de l'artiste japonais Shingo Yoshida et de l'artiste bulgare Ivan Moudov.
11 quai de la Pêcherie, Lyon 1er.
04 78 28 66 63. www.labf15.org
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