Lyon vit un nouvel “âge d’or du cinéma”, grâce au duo Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux. C’est la conviction de l’ancien adjoint à la culture Denis Trouxe, qui souhaite que l’on préserve les conditions pour le faire durer autant que possible.
Le succès international du 8e festival de cinéma de l’institut Lumière semble donner une réalité à ce titre une fois de plus. Il y a plus de vingt ans, à l’occasion de l’une des célébrations du centenaire de l’invention des frères Lumière, la municipalité de Lyon avait chargé mon agence d’en concevoir la communication, d’où ce slogan. Emphatique comme il se doit. C’est de la pub. Je ne savais pas que Pedro Almodovar le reprendrait tel quel, mot pour mot, dans son discours de remerciement lors de la remise du prix Lumière 2013 onze ans plus tard.
Dream team
Mais, derrière les rêves, il y a toute une histoire jalonnée d’hommes et de femmes de grand talent qui ont dû surmonter quantité d’obstacles. Il y a ceux qui sont à la base des actes fondateurs : Bernard Chardère, qui joua un rôle primordial, soutenu par son épouse Alice, dans la création de l’institut Lumière en 1982. Vinrent ensuite Bertrand Tavernier, Thierry Frémaux, Jacques Deray, Raymond Chirat…, lesquels poursuivirent le combat pour aboutir à ce festival où l’intelligence le dispute au nécessaire. Nous avons besoin de rêves et, dans cette machine à rêves qu’est le festival, il y a une dream team : Tavernier et Frémaux.
Période d’or
Lorsque les choses vont trop bien et rencontrent un total succès on finit par trouver que c’est normal. Ce festival est repéré par tous les professionnels comme le numéro un du film de patrimoine dans le monde. C’est normal. Tarantino ne se lasse pas de le répéter. C’est normal. Les salles sont remplies, marches d’escaliers comprises. C’est normal. Les célébrités et tous ceux qui font le cinéma se succèdent. C’est normal. Un prix attribué à une femme. C’est normal. Et qui anime aujourd’hui un tel événement ? Tavernier et Frémaux. Normal, pourrait-on encore répondre, ils font leur boulot. On sait ce qu’on leur doit. Le premier, qui vient d’ajouter à son œuvre puissante un film qui fera date dans l’histoire du cinéma français, totalement en ligne avec la dimension patrimoniale du festival. Et le second, que sa compétence et son talent ont hissé au premier poste stratégique du festival de Cannes en plus de la direction de l’institut Lumière. La métropole connaît avec ces deux Lyonnais une période d’or. Pourvu que toutes les conditions soient réunies pour qu’elle dure !
Marchands et curés
Pour mesurer la performance accomplie par la dream team et l’ensemble des activités artistiques, il faut faire un retour dans l’histoire culturelle de notre ville. Que de chemin parcouru depuis les années cinquante. Nous vivions à cette époque dans ce qui était appelé en haut lieu le “désert culturel français”. La décentralisation culturelle n’avait pas encore atteint notre ville. Non seulement il ne se passait pratiquement rien mais, quand il se passait quelque chose qui pouvait déranger l’ordre établi, l’ostracisation se mettait à fonctionner. Témoin, sitôt Edouard Herriot disparu, l’exclusion de Roger Planchon qui allait devenir une référence mondiale dans la mise en scène théâtrale. Herriot, maire de Lyon jusqu’en 1957, lui ayant accordé enfin une petite aide, Pradel nouveau maire la lui supprima dès la première année de son mandat.
Pour bien mesurer l’énormité de la décision, Il faut savoir que Planchon et son équipe avaient de leurs propres mains et sur leur propre argent aménagé leur théâtre, rue des Marronniers. C’est par l’application d’une mesure comptable que disparut ce génie du très maigre panorama culturel de l’époque. Obligé de partir, au lieu de “monter à Paris” pour réussir, Roger Planchon se contenta de “monter à Villeurbanne”, où il devint par la suite le successeur de Jean Vilar à la tête du TNP. Avec un tel rejet de l’artiste, pas étonnant que notre ville ait dû subir longtemps le poids d’une image marquée par deux composantes (entre autres) : Lyon, ville de marchands et de curés.
Une offre exceptionnelle
C’est bon, c’est derrière nous, bien loin. Que de chemin parcouru depuis ! De nombreux événements ont pris une place dominante dans leur esthétique respective, danse, opéra, musiques, théâtre, littérature, arts plastiques… Où est l’activité culturelle faisant défaut ? Oui. On peut toujours faire mieux, mais n’oublions pas de raisonner également par comparaison. Paradoxalement, la plus ancienne, le cinéma, est la dernière arrivée dans une offre artistique qui fait rayonner Lyon bien au-delà de l’Hexagone.
Des preuves concrètes de ce rayonnement global ? Elles peuvent se trouver dans les études officielles. La dernière en date, réalisée par les World Travel Awards : Lyon, meilleure destination de week-end en Europe. De tels résultats ne s’obtiennent pas à l’aide d’une politique culturelle pour philistins et ne sont pas tombés avec la dernière pluie. Bien qu’il ait repris mon slogan sans le savoir, Almodovar a raison : Aucune ville n’a fait autant pour faire rêver le monde.
Un peu emphatique monsieur Trouxe, mais vous avez raison quand même. D'ailleurs nous sommes souvent d'accord quand nous nous rencontrons par harsard car vous avez l'esprit assez ouvert pour cela. Il faudrait ajouter à votre liste ce que Lyon fait aussi pour la musique !