Aya de Yopougon 2

Aya de Yopougon, le film

Aya de Yopougon © UGC Distribution

CRITIQUE – Ça y est, le petit monde d’Aya s’est animé, avec l’adaptation en long-métrage des deux premiers albums de la bédé à succès Aya de Yopougon. Marguerite Abouet au scénario et Clément Oubrerie au dessin montrent un visage de l’Afrique à la fin des années 1970 loin des clichés, avec une sacrée dose d’humour.

Adapter une bande dessinée à succès n’est pas une mince affaire. Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud ont excellé avec Persepolis, beaucoup moins avec Poulet aux prunes, et Joann Sfar, en adaptant en 2011 son célèbre Chat du rabbin, a perdu en route la rugosité de son trait pour un dessin animé un peu trop lisse (et faussement 3D), ce qui ne l’a pas empêché de rafler au passage un césar du Meilleur film d’animation 2012.

“Dallas” à l’ivoirienne

Aya de Yopougon © UGC Distribution

En portant à l’écran Aya de Yopougon, succès du 9e art (plus de 500 000 exemplaires vendus, traduction dans 16 langues), Clément Oubrerie n’a rien perdu des vibrations de son trait hachuré, de ses jeux de lumière et des subtilités apportées à la couleur, qui font la beauté des albums. Dans cette version 2D, les silhouettes féminines conservent leur élégance. À commencer par Aya, jeune fille de 19 ans, belle et intelligente, autour de laquelle gravite tout un tas de personnages qui cherchent conseil, “palabres” ou réconfort. Car la vie à Yopougon, quartier populaire d’Abidjan habité par la classe moyenne, c’est un peu Dallas à l’ivoirienne (d’ailleurs, on retrouve les prénoms Bobby ou Pamela, qui disent l’influence américaine dans les seventies), avec ses personnages hauts en couleur, ses histoires d’amour, ses enfants cachés et ses bisbilles quotidiennes.

La période dans laquelle Aya évolue avec ses deux meilleures amies, Bintou et Adjoua, n’est pas de tout repos, correspondant au passage à l’âge adulte, avec son lot d’expériences amoureuses, bonnes et mauvaises, entre traditions familiales et modernité. Sans misérabilisme et avec une bonne dose d’humour, Marguerite Abouet dépeint une Afrique joyeuse et solidaire, tout en pointant du doigt le poids de la famille, de l’argent et des coutumes.

On s’y croirait

Aya de Yopougon © UGC Distribution

Même si la version animée colle un peu trop à la bande dessinée (à ses deux premiers tomes pour être précis) et se révèle par moments trop statique, le film n’en oublie pas d’être un objet audiovisuel avant tout, par l’attention portée à la bande-son et aux petites trouvailles visuelles qui donnent vie aux décors et corps aux personnages.

Tout est fait pour immerger le spectateur dans une culture et une époque. Plans d’ensemble de lieux et paysages ivoiriens aux différentes heures de la journée, bruits d’insectes volants, argot ivoirien (sans doute déstabilisant pour le néophyte, en l’absence du lexique fourni dans les albums) et nombreux proverbes. La musique afro-cubaine, omniprésente, les intonations et accents des acteurs finissent d’enrichir l’ambiance sonore. Côté image, l’animation des dessins originaux est entrecoupée d’archives publicitaires d’époque ultrakitsch, qui apportent à Aya de Yopougon un décalage et un humour singulier. La fin, un peu abrupte, surprendra les spectateurs (plutôt adultes) qui n’ont pas lu la BD, et laisse évidemment présager une suite. Car les gos n’ont pas fini d’enjailler les môgôs, dêh !

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Aya de Yopougon, film d’animation couleur de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, 2013, 1h24. Avec les voix d’Aïssa Maïga, Tella Kpomahou, Jacky Ido, Tatiana Rojo. En salles depuis ce mercredi 17 juillet.

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