L’illustratrice lyonnaise Isabelle Maroger vient de publier un premier roman graphique, fruit d’un long travail de recherche sur l’histoire de sa mère, née dans une maternité nazie en Norvège. Émouvant, tendre et documenté, Lebensborn est un récit qui touche à l’intime mais aussi à la grande histoire.
On connaît son coup de crayon teinté d’ironie tendre, comme dans la BD Grâce - réalisée en collaboration avec Marc Dubuisson – ou dans ses illustrations pour la jeunesse et la presse. Dans Lebensborn, son premier roman graphique, Isabelle Maroger s’attaque à sa propre histoire familiale.
Elle nous plonge ici dans un récit passionnant qui nous emmène de Lyon à Hurdal en Norvège, à la découverte d’une parenthèse méconnue de la seconde guerre mondiale.
Lebensborn – littéralement “fontaine de vie” en allemand - est le terme qui désignait ces maternités que les nazis avaient créées pendant la guerre dans les territoires occupés pour régénérer la “race aryenne”.
Les soldats allemands étaient encouragés à tisser des relations avec les jeunes femmes soigneusement choisies afin de procréer. Dans ces maternités, on y pratiquait des examens sur les femmes enceintes : taille, sang, lignée familiale et même colorimétrie graduée du bleu de l’iris des yeux pour enfin délivrer un certificat de “race aryenne”.
C’est précisément dans une de ces maternités qu’est née la propre mère d’Isabelle Maroger, Katherine, fruit d’une brève histoire d’amour entre Paul, un jeune soldat allemand et Gerda, une jeune norvégienne, qui accoucha au Lebensborn de Hurda. L’enfant fut ensuite adopté par une famille française à la fin de la guerre et fonda une famille à Nîmes.
“Catharsis” familiale
C’est à la naissance de son fils – moment où remontent immanquablement à la surface les questions des origines familiales - qu’Isabelle Maroger, pour “être en paix avec cette histoire et ne pas en avoir honte” a décidé de raconter l’histoire singulière de sa mère. De la quête de cette dernière pour renouer avec sa famille norvégienne et son père biologique…
Nos existences prennent parfois naissance dans des drames ou des secrets de famille, affectant plusieurs générations. Mais en mettant en scène son propre personnage - tout en candeur - dans cette BD, Isabelle Maroger réussit à donner à cette “catharsis” familiale une tonalité humoristique, où se querellent affectueusement mère et fille pour savoir qui doit être détentrice in fine de l’histoire familiale !
Après tout, Isabelle Maroger, grande blonde aux yeux bleus, n’a pas vraiment eu d’autres choix que de remonter le fil de ses origines, pour mieux comprendre d’où elle vient.
Lebensborn est un récit bouleversant, captivant mais aussi subtil, drôle et délicat dans sa forme narrative. Mais c’est également une très belle enquête, abondamment documentée, portant sur un fragment oublié de l’histoire qui témoigne de la folie des hommes. À lire absolument !
Lebensborn, un roman graphique d’Isabelle Maroger – Sortie le 17 janvier 2024 – 224 pages, 22€ - Bayard Graphic
Lebensborn nazi, pas mieux que les pondeuses des extrémistes !