Lyon Capitale était "embarqué" avec Christine Albanel. Récit des coulisses.
Lundi 21h30 : les professionnels de l'art contemporain (galeristes, journalistes, artistes) sont conviés à un cocktail dînatoire aux Subsistances. Ils ont passé la journée à visiter la Biennale, avant que le public ne le puisse. C'est toujours mieux entre soi. Les soiffards s'empressent de vider leurs godets au bar d'à-côté : "Y en a jamais assez dans les machins mondains !" déclame un artiste habitué du genre, déjà un peu tâché par le gros rouge. Erreur ! Le champagne coule à flots, payé par la banque HSBC. Dans le brouhaha, les organisateurs tentent de remettre un prix à l'artiste désigné par un "jury international". Sur scène, Nadine Gelas, présidente du Grand Lyon tient un ballon en laisse. Elle ressemble à une Chantal Goya naufragée. "Ce prix, c'est grotesque et ridicule !" s'emporte cette galeriste parisienne. "Le prix Only Lyon, c'est réducteur ! tellement province !" s'acharne ce journaliste d'art. "On se croirait à l'élection de Miss Vesoul !" achève l'artiste chancelant, aussi rougeaud que son vin. Le milieu de l'art contemporain est vraiment très méchant.
Mardi 13h : La ministre de la culture, Christine Albanel, déjeune avec Dominique Perben.
Le candidat UMP aux municipales avait organisé une rencontre avec les directeurs d'institutions culturelles. Devant leur crainte de s'attirer les foudres du maire de Lyon (qui serait intervenu auprès du préfet), il a dû annuler.
Mardi 15h : Visite au pas de course. La ministre écoute gentiment les explications de Thierry Raspail, directeur artistique de la Biennale. Elle ne baille pas et fait mine de s'intéresser.
Dans sa suite, élus, fonctionnaires, conseillers, journalistes papotent et complotent comme un cortège de courtisans.
"C'est laquelle la ministre ?" demande un photographe qui ne la reconnaît pas. "C'est celle-là" lui répond son confrère en pointant du doigt Chantal Goya. Nadine Gelas en sourit.
15h45 : Petit voyage en bateau pour rejoindre la place Bellecour. Gérard Collomb et Christine Albanel devisent aimablement. Et accrochent des perles de banalités, genre : "ça donne envie de manger des fritures". A l'accostage, le maire et son adjoint à la culture, Patrice Béghain, l'interpellent sur l'Arbre à fleurs que l'Architecte des Bâtiments de France veut interdire. La ministre se laisse convaincre et lâche : "Je reconnais que cet arbre est beau et que c'est une œuvre intéressante." Patrice Béghain s'assure d'un regard qu'elle ne parlait pas du marronnier à côté.
16h : Pendant que le cortège va visiter la fondation Bullukian, Christine Albanel va saluer sa collègue, Christine Boutin, qui campe sur la place Bellecour. La ministre du logement l'accueille en bottes de pluie. Albanel est en talons et s'enfonce de quelques centimètres dans la gadoue.
19h : A la Sucrière, tout le monde fait son petit discours. Chacun s'auto-congratule et félicite les organisateurs de la Biennale. Une artiste fait sa petite performance gentillette, un casque sur les oreilles, une canette à la main. Cela perturbe la ministre qui n'a pas l'habitude des ivrognes. Olivier Ginon, grand patron et sponsor de la Biennale, prend son téléphone pour savoir s'il a payé pour cette connasse pas bien propre. Bernard Rivalta, patron des TCL, contrôlerait bien son ticket d'entrée.
21h : Tandis que le tout venant sirote du vin et de la bière, les VIP dégustent du champagne dans l'espace réservé. Un invité people demande : "Et les œuvres, tu en as pensé quoi ?". Son interlocuteur le regarde effaré : "Les œuvres ? Quelles œuvres ? Ah oui, les œuvres..."
Autour de la Biennale
Chaque semaine, les expos à voir ou... à éviter.
Rendez-vous 07
Les précédentes éditions étaient plutôt ennuyeuses. Rendez-vous 07 expose des œuvres d'une trentaine de jeunes artistes dont bon nombre sont issus de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon. Et cette édition-là est réjouissante.
Tous les médiums sont exploités : la vidéo, l'installation, la performance, la sculpture, la peinture (si souvent négligée dans les expositions d'art contemporain) et même le... papier peint. Malgré quelques ratés, comme les peintures de Samuel Richardot, décor idéal pour un intérieur Ikéa, ou la lamentable sculpture de Guillaume Ségur, on y fait de belles découvertes. Tels les 8X8=64 vues d'un crâne de Philippe Jacquin-Ravot, le dessin animé projeté dans un appartement XIXe de Christine Rebet ou les tableaux réalistes d'usines et de grilles de Laurent Proux.
Plus étonnant encore, les sculptures de Cédric Alby, parfaitement intégrées a l'espace, courts tuyaux sortant d'on ne sait et vomissant un liquide coloré sur le sol.
Talent, énergie, découvertes : une exposition à voir.
Rendez-vous 07, jusqu'au 7 octobre à l'ENBA, aux Subsistances, 8 bis quai Saint-Vincent, Lyon 1. 047200117. www.enba-lyon.net/
The survivor and magmaman
Henri Ughetto, ancien rescapé d'une mort clinique en 1963, et Guillaume Treppoz, amoureux des flux de matière, confrontent leurs obsessions partagées pour l'organique, le corps et ses fluides. Malgré des approches plastiques différentes (Henri Ughetto réorganise des formes du vivant tandis que Guillaume Treppoz les déforment à travers des fluides magmatiques), leurs œuvres discutent de façon singulière les mêmes questions : les relations entre la vie et la mort, le temporel et l'éternel, l'organique et l'inorganique, le biologique et l'ontologique.
Henri Ughetto et Guillaume
Treppoz. Galerie Françoise Souchaud, jusqu'au 13 octobre, 35 rue Burdeau, Lyon 1.
04 78 42 49 51
Les prix prout-prout de la semaine
L'accrochage d'aphorismes débiles et beaufs de Patrick Mimran, rue Herriot ("Trop d'explications tuent l'art", "L'art n'a ni modèle, ni Dieu").
L'exposition au Stand, 19 rue Burdeau, Lyon 1 : tellement "Contemporain ! Conceptuel ! Géniaaaal !".