Quinze ans après avoir fermé ses portes, le musée Guimet accueille la 16e édition de la Biennale d’art contemporain de Lyon, qui démarre ce mercredi 14 septembre.
Même si le site des usines Fagor à Gerland reste l'épicentre de la Biennale d'art contemporain, l'ouverture temporaire du musée Guimet - édifice emblématique du patrimoine lyonnais - est l'événement de cette 16e édition. Elle permettra au public de (re)découvrir l’ancien musée d’histoire naturelle dont les collections avaient été transférées au musée des Confluences en 2007.
Avec 18 artistes internationaux qui sont accueillis jusqu’au 31 décembre, le musée situé à la lisière du parc de la Tête d'Or ambitionne d’être un nouveau pôle artistique, en dépit de l’abandon du projet d’un site dédié à la danse (Lire : Lyon : les “ateliers de la Danse” ne s'installeront pas au musée Guimet). Il hébergera ainsi régulièrement d’autres projets - à la manière d’une friche artistique -, en attendant une affectation définitive.
Cette Biennale, intitulée Manifesto of fragility, pointe plus que jamais les incertitudes de notre société, traversée par des turbulences croissantes - crise climatique, guerre, désinformation, discrimination… En témoignant également de la propre vulnérabilité des artistes, elle tente de faire dialoguer leurs questionnements intimes avec les tourments du monde.
En avant-première, Lyon Capitale vous fait découvrir les œuvres exposées au musée Guimet, en attendant l'ouverture officielle le 14 septembre.
Nicki Green
À partir de sculptures en grès émaillé, matériau choisi pour ses qualités de transmutation, Nicki Green (États-Unis) explore les possibilités de la métamorphose, en lien avec la question transgenre. Il s’inspire également de la tranformation de la Champignonnière du Fort de Caluire, édifice militaire transformé entre 1960 et 1972 en un lieu de culture de champignons, organisme qui représente aux yeux de l’artiste un exemple poétique d’un monde flexible.
Lucile Boiron
Le travail de Lucile Boiron (France) tente de rompre avec les clichés de la féminité, fruit selon elle d’un héritage patriarcal. Son installation, aux techniques mixtes (photos, sculptures en verre et plexiglas…) propose un nouvelle vision de la féminité et de la sensualité. En célébrant des états corporels habituellement perçus comme hideux, elle tente de redéfinir les normes de la beauté.
Leyla Cárdenas
L’artiste multimédia Leyla Cárdenas (Colombie) recrée la façade de l’ancien muséum d’histoire naturelle Guimet et de sa salle principale, qui accueillait les collections de paléontologie. Un dessin, dont elle efface peu à peu les couches de peinture, pour évoquer la disparition du musée (fermé depuis 2007), tels les stigmates du temps qui passe. Mais parallèlement, elle fait réapparaître ces vestiges sous la forme de photos accrochées à une structure légère composée de fils, évoquant l’étai (pièce de charpente) mais aussi la fragilité et la poésie des lieux dégradés et abandonnés.
Mohammed Al Faraj
Mohammed Al Faraj (Arabie saoudite) crée des installations multimédias faites d’assemblages de séquences d’actualités qui dénoncent l’hypocrisie des politiques vis-à-vis de problématiques environnementales et sociales et le rôle des médias dans la désinformation sur ces sujets. Ici il traite du cas d’un robot, nommé Sofia, qui a obtenu en 2017 la citoyenneté en Arabie saoudite à l’occasion d’un congrès sur les nouvelles technologies et trace un parallèle avec la situation des peuples apatrides.
Ugo Schiavi
Ugo Schiavi (France) crée des installations de fragments sculpturaux figuratifs qu’il réalise par moulage sur des modèles vivants ou des monuments figuratifs. Entre fiction et réalité, il crée des récits, exposant des structures métalliques et fibreuses qui soutiennent les représentations de l’orgueil humain, révélant dans le même temps les fragilités de l’humanité. Intitulé Grafted TimeSystem, son paysage hybride, à la fois mécanique et naturel, envahit peu à peu la grande salle du musée Guimet, abandonné depuis plusieurs années. Des fossiles et des ossements fusionnent avec des déchets humains, tandis que des câbles et des végétaux s’entremêlent. Intégrés aux data centers, des écrans diffusent des images 3D de fragments d’architectures du musée, d’objets composites et de plantes en pleine croissance.
Daniel de Paula
L’artiste conceptuel Daniel de Paula (États-Unis) réalise des œuvres à partir d’objets empruntés ou acquis auprès d’institutions publiques et privées. Par la juxtaposition et la décontextualisation de ces divers éléments, il interroge les logiques politiques, sociales, économiques et historiques propres aux artefacts. Pour la Biennale de Lyon, il imagine une installation vidéo et sculpturale à partir d’un masque funéraire (conservé à Lugdunum − Musée & théâtres romains), qui a perdu sa fonction originelle.
Zhang Yunyao
Faisant référence à la sculpture de l’Antiquité et de la Renaissance, le peintre Yunyao Zhang (Chine) crée sur des toiles de feutre des œuvres figuratives de grande dimension en utilisant le graphite et les pastels avec des effets de reliefs et de superposition d’images qui illustrent la force, la beauté et le pouvoir.
Kennedy+Swan
Les œuvres de Kennedy+Swan (Allemagne) associent les techniques de la réalité virtuelle à la vidéo pour réfléchir à l’évolution et à ses conséquences sur les hommes, les animaux et les plantes. Le film stéréoscopique en quatre épisodes Delphi Demons interroge le concept d’intelligence, considéré à tort comme une spécificité de l’être humain. Il aborde la question de l’intelligence artificielle qui exerce à la fois fascination et crainte, à travers l’invention d’un nouvel être, le BÆB, qui combine des facultés biologiques et artificielles.
Nadine Labaki, Khaled Mouzanar et Jorj A. Mhaya
La réalisatrice Nadine Labaki, le compositeur Khaled Mouzanar et le dessinateur Jorj A. Mhaya (Liban) ont partagé une enfance marquée par la guerre civile qui ravageait leur pays, le Liban.
Leur film d’animation intitulé Le Monde va à la guerre et moi j’en reviens est projeté dans un espace qui évoque un bunker. Il raconte l’histoire d’une jeunesse rythmée par les bombes qui s’abattent sur leur ville et suit des personnages qui font à la fois preuve de courage, d’espoir et de résilience.
Kim Simonsson
Inspiré par les contes de fées scandinaves, la culture manga et les jeux vidéo, l’artiste Kim Simonsson (Finlande) crée des sculptures qui représentent des êtres enfantins appelés Moss People. Ces personnages intrépides incarnent des réponses aux mises à l’épreuve des éléments de la nature, certains se transformant en sculptures de glace, tandis que d’autres, recouverts par la mousse, deviennent partie intégrante du monde végétal. On retrouve ces personnages dans les différents lieux d’exposition de la Biennale (usines Fagor, musée Gadagne, musée d’art religieux de Fourvière, Lugdunum ou le macLYON)
Young-Jun Tak
Dans ses sculptures, films et performances, Young-Jun Tak (Corée du Sud) imagine un dialogue et une coexistence improbable entre les églises chrétiennes et les communautés queer. Selon lui, ces mondes, situés aux antipodes, entretiennent des similitudes, car ce sont des espaces fondamentalement communautaires qui cherchent à offrir du bien-être à l’esprit ou au corps du visiteur. Intitulée Wish You a Lovely Sunday, sa vidéo se déroule dans l’église Kirche am Südstern et la discothèque LGBTQI SchwuZ à Berlin, où se produisent deux couples de danseurs et de chorégraphes.
Puck Verkade
Avec un goût prononcé pour l’humour et pour l’absurde, Puck Verkade (Allemagne) expose les contradictions des comportements humains dans ses dessins et ses vidéos. Placée au milieu d’une installation composée de grandes frites en carton, la vidéo Plague explore le concept de “solastalgie”, un sentiment de détresse causé par les conséquences des crises climatiques. Raconté par une mouche qui fantasme sur l’extermination de l’homme, le récit surréaliste crée d’étranges analogies entre la Terre exploitée et la psyché tourmentée.
Raed Yassin
Inspirée aussi bien par l’art conceptuel que par la culture pop, l’œuvre de Raed Yassin (Liban) interroge la mémoire collective à partir de récits personnels.
Dans son projet Yassin Haute Couture, l’artiste réécrit l’histoire d’un créateur de mode, Samir Yassin, qui n’est autre que son propre père, qu’il a peu connu
car il a disparu alors qu’il était encore enfant. Au travers de dispositifs fictionnels, il réimagine son passé afin de résister à l’oubli. Sous ces images, qui semblent à première vue plaisantes et innocentes, se dissimulent des destins tragiques et des traumatismes intimes.
Evita Vasiljeva
Transformant bien souvent les espaces d’exposition en ateliers d’expérimentation, Evita Vasiljeva (Lettonie) réalise des installations in situ ouvertes à de multiples interprétations. Pour la Biennale de Lyon, elle propose son œuvre multimédia Impulse (J or Imp) dans les réserves abandonnées du muséum. Grâce à des détecteurs de mouvement qui allument et éteignent des appareils électriques aux sons dérangeants, l’artiste convoque des souvenirs d’enfance traumatiques, liés aux cambriolages de son appartement familial et aux systèmes de sécurité de ses voisins à Riga.
Clément Cogitore
Dans son travail, à mi-chemin entre cinéma et arts visuels, Clément Cogitore (France et Allemagne) traite de la survivance des rites archaïques dans notre monde contemporain. Dans Morgenstreich, il rend hommage au carnaval de Bâle, évènement qui se déroule depuis plusieurs siècles et auquel l’artiste a assisté au cours de son enfance. Son dispositif restitue cette procession à la fois lugubre et festive, qui marque le passage de l’hiver au printemps, de la nuit au jour et de la mort à la vie, et plonge le public au cœur d’un événement hors du temps.
Outre le musée Guimet et les usines Fagor, la Biennale s’étendra sur d’autres sites pour sa 16e édition, en accueillant plus de 80 artistes : le musée de Fourvière, le musée d’histoire de Lyon - Gadagne, Lugdunum - Musée et théâtres romains, le parking automobile de la place de la République, le parc de la Tête-d’Or, l’URDLA et l’institut d’Art contemporain de Villeurbanne.
Manifesto of fragility - 16e édition de la Biennale d’art contemporain– Du 14 septembre au 31 décembre – Lyon, métropole et région
Programme complet : : www.labiennaledelyon.com