Après-coup // Si l’émotion était au rendez-vous sur la scène de l’opéra transformée en mer par Rachid Ouramdane, fascinant le tête-à-tête avec Josef Nadj au musée des Beaux-Arts et jubilatoire la performance de Cris Blanco à la Croix-Rousse, la Symphonie de Saburo Teshigawara à l’Auditorium nous a beaucoup déçus.
Rachid Ouramdane éclaire la nuit
L’émotion était au rendez-vous sur la scène de l’opéra transformée en une mer vers laquelle 5 danseurs et 33 enfants (13 d’entre eux sont des mineurs isolés migrants d’Afrique et d’Europe) nous ont emporté, émergeant de l’eau, se fondant dans ses rythmes jusqu’à devenir eux-mêmes une mer en mouvements.
Proposer une œuvre esthétique lovée dans une infinie douceur tout en étant capable de faire sentir le désespoir sans le montrer, tel est le pari réussi par Rachid Ouramdane avec Franchir la nuit, qui questionne le devenir des enfants migrants. La scénographie est d’une pureté stupéfiante, créant une harmonie entre la chorégraphie, les lumières, les flux et reflux des corps et de l’eau, le gris froid d’un matin qui succède au noir de la nuit. Les danseurs incarnent avec subtilité une force qui va chercher les enfants et impulsent avec eux des tourbillons d’espoir. Frappant la surface de la mer tels des percussionnistes, ils la transforment en un lieu de révolte et de joie. Les enfants avancent, courent, ils se faufilent, prennent leur place, d’un côté de la scène, de l’autre. Ils sont là, mais de manière non ostentatoire. Comme lorsqu’ils sont invisibles dans notre quotidien et pourtant bien en vie, quelque part. On ne voit jamais véritablement leur visage, par pudeur mais aussi parce que, dans la nuit, ils deviennent silhouettes, presque abstraits, nous renvoyant à tous les exilés du monde. Le travail sur la lumière de Stéphane Graillot est tout en nuances, refusant la chape de plomb pour saisir la transparence de l’eau et de la nuit et apaiser les corps. Celui, tout aussi beau, du vidéaste Mehdi Meddaci fait surgir en fond de scène des visages éclairés par le blanc de la photo, nous révélant une identité retrouvée tandis qu’ils nous regardent droit dans les yeux. Franchir la nuit nous touche par une construction esthétique et poétique qui porte une écriture véritablement politique. Elle exhale la réalité de ces enfants tout en voulant croire à un avenir plus lumineux et nous accompagne longtemps après que nous avons franchi la porte du théâtre !
Spectacle repris les 7 et 8 novembre à la Maison de la culture de Grenoble
La fascination selon Nadj et l’humour de Blanco
Le grand chorégraphe, photographe et plasticien Josef Nadj interroge l’art de la scène, le mouvement et la photographie avec Mnémosyne, une performance-installation créée au musée des Beaux-Arts de Lyon. Après nous avoir assis face à lui dans une petite chambre noire entourée d’une exposition de ses photos, il nous plonge dans un tête-à-tête fascinant, lent, qui sollicite sans cesse notre mémoire, notre perception du mouvement et de la lumière avec des images étranges, humaines et animales. Un moment extraordinaire, suspendu et hors du temps !
Côté performance, on saluera également celle de l’Espagnole Cris Blanco, El agitador vortex, une œuvre foutraque où elle tente de réaliser un film tout en détournant les codes et les clichés du genre cinématographique, se filmant, se mettant en scène et dévoilant en direct des trucages hilarants.
Au final, on ne sait pas ce que l’on a vu – un film, du théâtre, une comédie musicale ? – mais l’artiste, qui mouille la chemise, courant sur scène, jouant avec le public, usant d’arrêts sur images avec sa vidéo pour dérouler plusieurs actions en même temps, nous a fait voyager dans un univers déglingué jubilatoire !
Mnémosyne est encore joué mercredi 26 et jeudi 27 septembre au musée des Beaux-Arts de Lyon (sur réservation).
L’exposition photographique de Josef Nadj est visible au même endroit jusqu’au 27.
Teshigawara et l’ONL, le rendez-vous raté
Ce devait être la rencontre des grands, mais elle n’a pas eu lieu. Saburo Teshigawara et sa complice Rihoko Sato dansant La Symphonie fantastique de Berlioz sur la scène de l’Auditorium avec l’Orchestre national de Lyon. Une salle froide et trop grande, une musique soporifique, un lien inexistant entre les danseurs, les musiciens et le public. Saburo Teshigawara semblait faire le show dans une gestuelle sinueuse, plus automatique que vibrante, ne parvenant pas à nous transmettre l’intimité de sa danse. Le choix musical était-il le bon ? À moins que cela ne soit la forme même du spectacle ? Cette pièce était d’un ennui total.