Défilé de la Biennale danse 2014, rue de la République © Stéphane Rambaud
Défilé de la Biennale danse 2014, rue de la République © Stéphane Rambaud

Biennale de la danse 2018 : un défilé pour la paix

Le défilé de la Biennale retrouvera dimanche son parcours symbolique, rue de la République. Il accueille cette année de nouveaux territoires, de nouveaux chorégraphes et aboutit à un final spectaculaire place Bellecour avec le circassien Yoann Bourgeois.

En 2016, en raison des attentats de Paris et Nice, le défilé de la biennale avait été confiné au stade de Gerland, dans une configuration réduite dans l’urgence à une parade de vingt minutes. “C’était une véritable épreuve pour les participants et les organisateurs, se souviennent Xavier Phélut et Stéphanie Claudin, chefs de projet du défilé depuis 1998. Cette année, des moyens de sécurité importants sont mis en place, à l’instar du dispositif de la Fête des lumières. Tout redevient comme avant, donc.”

13 groupes – 4 500 participants

Au total, il y aura 4 500 participants, treize groupes avec trois nouveaux territoires : le Bugey sud, Aurillac et le Trièves et la Matheysine (en Isère), tous les départements de la région étant représentés. Après une édition 2016 qui parlait du vivre-ensemble, la thématique de la paix est venue en toute logique.

“Dominique Hervieu a été approchée par l’adjoint au maire de Lyon chargé du patrimoine, de la mémoire et des anciens combattants, qui avait pour objectif de labelliser une programmation autour de la paix, des droits de l’homme, explique Xavier Phélut, qui œuvre au défilé aux côtés de la directrice de la Maison de la danse. Cela concernait la commémoration de l’armistice de 1918, mais pas seulement, car 2018 c’est aussi les 50 ans de l’assassinat de Martin Luther King, les 170 ans de l’abolition de l’esclavage, les 120 ans du “J’accuse” de Zola, l’édit de Nantes, les 70 ans de la Déclaration des droits de l’homme, les 100 ans de la naissance de Mandela, Mai 68… Le thème était vraiment fondé et, de fait, les projets du défilé ont un véritable sens.”

Des projets qui parlent de paix, de non-violence et du refus de la guerre

Les chorégraphes parlent donc de la paix, de la non-violence, de Martin Luther King, faisant aussi référence à des mouvements populaires et politiques qui se sont constitués pour faire évoluer les droits de l’homme. On citera Joyeuse cacophonie, le projet de Fred Bendongué rendant hommage aux contingents étrangers venus prêter main forte lors de la Première Guerre mondiale. Il en profite pour nous rappeler que le jazz ne date pas des années 1940 mais de 1917-1918 avec l’arrivée des soldats noirs américains. “Il fait rentrer le métissage, souligne Stéphanie Claudin, qui œuvre elle aussi au défilé, avec tous ces contingents venus du monde entier qui ont nourri notre société. Cela lui permet d’aborder la mixité, les origines des uns et des autres et la lutte pour un même combat.”

Parmi les groupes, il y a la grosse machine de Bron, avec à sa tête Mourad Merzouki et 500 participants fidèles et toujours accro. Un record de longévité pour le chorégraphe, qui a fait de nombreux défilés. On retrouve aussi Abdou N’Gom, qui mène depuis trois ans un formidable projet chorégraphique de territoire, notamment auprès des jeunes : son groupe de 200 personnes est constitué à 90 % de jeunes, du CM2 au lycée. Une gageure quand il s’agit de travailler dans la discipline et la régularité !

Cette édition est d’ailleurs emblématique d’une plus forte mobilisation des établissements scolaires, voulue par Dominique Hervieu. “On a initié un travail avec l’académie de Lyon, explique Xavier Phélut, pour que le défilé et les artistes entrent dans les établissements, pour aller chercher les jeunes là où ils sont et les raccrocher aux groupes de citoyens qui vont dans le défilé. Le rectorat a fait un appel à projets avec des petites enveloppes financières qui permettaient de financer des interventions d’artistes dans les établissements. Si les portes du collège s’ouvrent, pour nous, c’est une passerelle !”

L’éclat final place Bellecour !

Une fois la parade terminée, le spectacle continuera avec de la danse mais aussi des voix. Réunis et dirigés par Philippe Forget, 300 choristes amateurs seront rassemblés pour nous faire entendre des airs d’opéra (Carmen, entre autres) mais aussi des chansons de Gainsbourg ou des Beatles. Quinze minutes plus tard, Yoann Bourgeois sera dans les airs avec quatre danseurs professionnels et vingt amateurs venus de l’Isère pour Passants, une version amplifiée de sa Fugue/Trampoline.

Le final n’est plus seulement dansé, car cette fois on chante en même temps avec les 300 choristes et sur Imagine de John Lennon, sacrée chanson du siècle. Un beau message pour ce défilé dont la marraine est Latifa Ibn Ziaten, mère du soldat tué par Mohamed Merah, candidate au prix Nobel de la paix.

Défilé de la Biennale – Dimanche 16 septembre, à partir de 14h30, rue de la République

Programme complet sur Biennaledeladanse.com



C’est quoi le défilé pour vous ?

Défilé de la Biennale de la danse 2010, rue de la République © Stéphane Rambaud
Défilé de la Biennale 2010 © Stéphane Rambaud

Témoignages – Stéphanie Claudin et Xavier Phélut œuvrent au défilé depuis vingt ans. Ils en ont vu défiler, des groupes et des projets. Nous leur avons demandé ce qui fait la force de cette manifestation, vingt ans après sa création.

Stéphanie Claudin : “Quelles que soient son évolution et sa forme, la force du défilé ce sont les citoyens et l’engagement. Cela ne bouge pas, avec des artistes toujours très investis dans la relation au citoyen. Ensemble, ils inventent une communauté par le biais d’un projet et sont embarqués dans une même aventure tout en étant différents. Les participants se découvrent grâce à un artiste, qui partage un imaginaire. Cela me donne plein d’espoir sur le fait que l’on puisse vivre ensemble. Il y a beaucoup de liens qui perdurent après et, même si on n’est pas dans une utopie, cela contribue à une ouverture. Chacun apprend qu’il peut parler à un jeune ou à un vieux, à quelqu’un qu’il n’aborderait pas ailleurs. Plus que tout, ce sont les gens qui me touchent.”

Xavier Phélut : “La parade, c’est une évidence de la rencontre du public et des projets. Il n’y a pas besoin de clés comme dans une salle de spectacle, ça passe devant nous dans la rue. C’est une anti-routine car, même si la forme est la même, on change d’interlocuteurs. On a un objet qui à chaque édition permet d’agréger d’autres choses, une expo, un livre de photos, des actions scolaires. Ça déplace tout le monde, y compris les artistes, qui ne sont plus sur un plateau ; ça déplace les professionnels, car c’est rare de faire collaborer ensemble une maison de retraite, une MJC, un centre social, une école de musique. Et puis les chorégraphes travaillent beaucoup sur l’écoute et le respect de l’autre, cela rend l’engagement des gens vrai, sans chiqué.”


[Ces textes sont extraits du supplément Culture de rentrée de Lyon Capitale – distribué gratuitement avec le mensuel de septembre, n°780]

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