Cinq jours après le démarrage de la Biennale de la danse, le metteur en scène David Bobee tient toujours le haut du pavé avec Roméo et Juliette, un spectacle jouissif qui mérite assurément sa programmation dans cet événement !
2h45 de théâtre dans une Biennale de la danse aiguisaient véritablement notre curiosité, même si l’on savait que le jeune metteur en scène David Bobee aimait le mélange des genres (lire entretien), prônant un théâtre qui donne autant d’importance au texte qu’à la danse, à l’acrobatie, au cirque ou aux nouvelles technologies. Sa version de Roméo et Juliette, c’est 2h45 de pur bonheur où, plus le temps passe, plus on a envie de rester avec les personnages qui sont sur scène, comme si au fur et à mesure leur identité devenait nôtre.
Située au cœur d’une scénographie orientale et cuivrée, en des lieux qui sont à la fois l’extérieur et l’intérieur, la pièce cherche, sur fond de rivalités entre bandes, ce qui anime dans l’amour, la haine et la déraison ; ce qui domine ou détruit dans des conflits familiaux ou civils. Très vite, le ton d’un théâtre pas comme les autres est donné : les corps prennent toute leur place, et s’emparent de multiples espaces au gré des émotions et des situations que vivent les personnages.
David Bobee respecte la dramaturgie mais nous transpose au XXIe siècle, dans une société où les individus sont de cultures multiples et où ils pourront s’exprimer de mille façons. La pièce est en mouvement perpétuel ; la jeunesse est électrique, à fleur de peau, elle parle haut et fort, elle crie même. Mais elle aime aussi l’amitié et la fidélité. Tous les personnages se défient du texte au corps, du corps à l’élément scénique, de la voix à la musique, de la force à la grâce, de la douceur à la vulgarité, de la violence à la provocation, de la verticalité au sol. Des corps qui se meuvent comme dans la vie quotidienne, mais qui savent aussi convoquer le fantasme et l’art de la scène.
Un théâtre qui respire la vie
Roméo et Juliette est fait de joutes et de jeux, à l’intérieur desquels la traduction de Pascal Collin existe bel et bien, tant par les mots crus que par la poésie de Shakespeare, qui permet aussi à ces jeunes de dire des choses intimes et jusqu’ici indicibles. Bien sûr, on est dans un théâtre qui, par l’approche pluridisciplinaire de David Bobee, modernise la vision de cette pièce et qui ne peut que donner envie – à ceux qui trouvent le théâtre encore trop figé ou trop ringard – d’y retourner, histoire de voir.
Mais, ce qui frappe par-dessus tout dans ce travail, c’est la générosité qui en émane, envers nous, spectateurs. Pour nous faire plaisir, nous séduire, nous permettre d’aller à la rencontre de ce texte, grâce à toutes ces individualités, qui toutes portent un talent spécifique et qui ne rechignent pas à s’essayer à autre chose. La générosité de laisser être ce qu’il est, derrière une maîtrise scénique et dramaturgique, chacun des artistes avec aussi sa part de fragilité. Pour au final nous embarquer dans un théâtre qui respire la vie, y compris à la fin, après la mort de Roméo et de Juliette.
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Roméo et Juliette de David Bobee, jusqu’au 22 septembre, aux Subsistances (Lyon 2e). Dans le cadre de la Biennale de la danse.