Le chorégraphe Nasser Martin-Gousset revient à Lyon avec Pacifique, pièce inspirée du héros double et trouble, James Bond. Entre complots et revolvers, le compte n’y est pas !
Après son grandiose Péplum de la Biennale 2006, on attendait le retour à Lyon de Nasser Martin-Gousset avec beaucoup d’impatience. Ce passionné de cinéma nous plonge ici dans l’univers des années 70, avec comme figure centrale, celle de l’agent double James Bond. Héros ambigu, à la fois cynique, sympathique, sexuel et doté d’un permis sans restriction de tuer. Il est pour le chorégraphe prétexte à aborder la thématique du double, du brouillage des identités, mais aussi du vrai et du faux dans la vie, le monde politique ou les médias, dans un monde où pour survivre, il serait nécessaire d’être un autre. Le décor représente une vague à l’intérieur de laquelle les personnages jouent leur vie, rejetés par moment à sa surface tels des corps morts ou en recherche de sauvetage.C’est sur ce lieu que 8 hommes en costumes sombres et 5 femmes sexy s’affrontent, se provoquent et se séduisent dans un climat tendu, parfois violent. Pour faire le lien entre eux, le chorégraphe utilise la pièce maîtresse des films d’espionnage, un revolver. Dans ses fonctions de défense et de menace, il est ce fil qui amène les corps à se déplacer, à devenir une masse, chuter ou glisser, à se retrouver isolés ou déglingués.
Tout du long, Nasser Martin-Gousset transforme les images de ces films d’époque, par le détournement de situations propres à leur style, sans oublier aussi de s’amuser, notamment avec des bruitages amplifiés de pas, de vitres brisées ou de coups de poing assénés. Malgré des longueurs de scènes, le rendu est impeccable mais la sauce ne prend pas et ce, étrangement, dès les premières minutes. Dans son parti pris artistique, le chorégraphe joue sur des effets visuels qui manipulent des individus à la fois fictifs et réels. Il découpe et dessine les corps à la lumière, jusqu’à ce qu’ils deviennent silhouettes de personnages en carton, redevenus chairs lorsqu’ils se lâchent dans l’espace. Si ce choix esthétique lui permet de réussir le pari du brouillage identitaire, déstabilisant quand même notre vision du spectacle, il manque ce rendez-vous qui fit le succès de Péplum, celui avec les interprètes. On ne les sent pas investis dans la transmission d’une émotion mais plutôt dans celle d’un exercice de style parfaitement maîtrisé et qui n’autorise aucun débordement à notre propre imagination. Ce faisant, ils oublient de nous embarquer dans les profondeurs de cette mer tumultueuse qui est aussi la nôtre, et nous laissent dans ce rôle de spectateur mis à distance, à qui il est juste donné à voir…
Pacifique de Nasser Martin-Gousset, jusqu’au 23 septembre, au Studio 24 de Villeurbanne.
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