Quelle autre pièce illustre à merveille le slogan Encore de cette Biennale de la danse ? Aucune ! Avec Nya, le chorégraphe Abou Lagraa insuffle cette idée que la danse a un avenir. On en redemande !
Entouré de sa compagnie et de Nawal Lagraa, il vient de réussir haut la main, ce pari un peu fou de créer une cellule de danse contemporaine au sein du Ballet National Algérien, composé de 10 danseurs hip-hop âgés de 20 à 26 ans, sélectionnés sur 400 candidats et de les emmener sur la scène professionnelle avec un talent étourdissant. Nya - qui signifie Faire confiance à la vie - est composé de deux pièces. La première nous embarque dans du jamais vu, le Boléro de Ravel 100% hip-hop et la deuxième au cœur de magnifiques chants traditionnels arabes, interprétés par la grande Houria Aïchi. Le Boléro s’ouvre sur des bruits de ville où peu à peu viendra s’insérer la musique de Ravel. Ici, on sent que le chorégraphe a eu envie de mettre en exergue plus la singularité de chaque danseur que l’écriture chorégraphique elle-même. On est dans une histoire de pulsions, d’énergie avec souvent des solos qui leur laissent la liberté d’être ce qu’ils sont et qui les feront se rejoindre dans l’apothéose finale. Mais la patte d’Abou Lagraa est bien là. Dans la maîtrise et la précision de leurs gestes, dans l’élégance de leur finition, avec la conscience de ce qu’est un corps hip-hop placé dans l’espace. Au fur et à mesure que ces jeunes dansent, on devine leur joie d’être ainsi mis en valeur dans une structure scénique qui tient la route, mais aussi l’incroyable travail de formation accompli en 9 mois.
Ce sentiment du chemin parcouru est encore plus fort avec la deuxième pièce. Abou Lagraa nous parle d’une autre identité que celle du hip-hop, celle appartenant à une culture faite de tradition et de modernité, respectueuse et ouverte. Dans un mélange de contemporain et de hip-hop, on retrouve toute sa gestuelle, avec aussi l’ondulation des corps qui cherchent dans la spirale, le sens profond du mouvement. La fusion est telle, que par moment on a l’impression qu’ils sont tous les 10, le prolongement sur scène du chorégraphe. On est ébahis de voir avec quelle aisance et quel plaisir, ils sont passés des baskets aux pieds nus, de voir comment ces mâles se touchent, la virtuosité avec laquelle ils portent à l’unisson une chorégraphie de groupe, de voir leur sensualité s’abandonner en public. Des corps mis à nu avec pudeur et que l’intégration du langage contemporain n’a pas dénaturé mais sublimé. Que leur souhaiter d’autre que cette aventure continue et perdure ? Et comment ne pas dire merci à Abou Lagraa pour ce voyage à l’intérieur duquel il est permis de croire en l’avenir, au-delà de toutes nos frontières ?
Nya d’Abou Lagraa, au Transbordeur, jusqu’au 2 octobre.
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