Entretien avec Ali Ramdani, alias B-boy Lilou, premier danseur à remporter deux fois le championnat du monde Red Bull BC One. Pilier du Pockemon Crew originel, il a dominé pendant une vingtaine d’années les compétitions mondiales de breakdance, dansé avec Madonna, mais n’a sans doute pas eu en France – ni à Lyon – la reconnaissance qu’il mérite. Il espère qu’elle viendra pour ses héritiers grâce aux JO de Paris en 2024.
Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ? Ali Ramdani : J’aime bien le terme. Je suis cool, mais dès qu’on me cherche je montre les crocs. Sur scène, dans les battles de breakdance, on voit surtout vos crocs… C’est comme la boxe, on a beau être les meilleurs amis du monde, si on est en battle face à face, je vais être le plus gros bâtard (rire). Ça fait partie de la culture du hip-hop, né dans le Bronx : quand les gangs ont voulu arrêter de se tirer dessus, ils ont décidé de s’affronter à la danse, quartier contre quartier. Un battle, c’est une façon pacifique de se mettre des grands coups de tête. Ils faisaient des mimiques pour s’humilier, genre je prends ta tête, j’la coupe, j’la jette, je tire dessus et je prends la pose. En fait, on raconte une histoire. Mais ça amène plein de choses. Tu peux mixer des personnes venant de milieux totalement différents, des religions différentes, des gays qui vont danser avec des non-gays… La danse, ça mixe tout le monde. C’est quoi le style Lilou ? Rigolo, charismatique et énervant (rire). J’ai toujours été le plus petit, celui qui ne paie pas de mine. J’en joue à fond, j’arrive avec mes petites lunettes, on dirait un écolier, et en fait je les défonce tous un par un (rire). Votre pire provocation ? Quand j’ai jeté mon bonnet dans la tête de mon adversaire en pleine finale (rire). Jeter un bonnet, ça va, ça ne fait pas mal. Un battle, c’est un jeu de questions-réponses, trois passages chacun entre trente et quarante secondes. La règle, c’est vraiment de laisser l’adversaire faire son temps, ne pas le gêner, et après… normalement… ne pas le toucher. Mais les règles sont faites pour être froissées (rire). Vous ne vous êtes pas fait que des amis… C’est comme partout : si tu fais l’unanimité, c’est que tu n’es personne. Mais c’est un milieu super cool. Quand mes amis rappeurs viennent voir des événements de danse, ils me disent : “Ça déchire !” Il n’y a que des bonnes vibes, tout le monde rigole avec tout le monde. Avec la danse, il n’y a pas de barrière de langue, en plus. Ça m’a permis de rencontrer des gens du monde entier. La “bad compilation” de vos pires provocations, vous la montrerez à votre fille ? Franchement, à fond ! Je lui apprends à mettre des coups, à ma fille (rire). Elle est tombée sur un papa fou. Je lui fais faire du kung-fu de manière ludique. Dès qu’elle est trop excitée, je lui dis de respirer profondément pour lui permettre d’être zen. Ça m’a appris énormément, le kung-fu, c’est là que j’ai appris à m’entraîner. Parce que, dans le break, tout le monde est autodidacte. Personne ne vient nous dire d’arriver à telle heure, de commencer par un échauffement…
“Il y a un style lyonnais à part entière, plus technique et aérien”
Vous aviez dit : “Le hip-hop, c’est la jungle, et Lyon, c’est le roi de la jungle.” Est-ce toujours le cas ?
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