Maison bourgeoise du 19e siècle, aux murs lambrissés et aux vitraux art déco, la Villa Neyrand accueille d'étranges hôtes : les artisans du Turak, théâtre d'objets.
Après plus de cinq ans de discussion, la Ville de Lyon leur a enfin trouvé un lieu 'loué pas cher' pour inventer leurs spectacles singuliers. Entre deux tournées en Islande ou en Indonésie, Michel Laubu est ravi de pouvoir poser ses valises bourrées d'objets du quotidien fatigués par le temps dans un espace qui réunit enfin l'ensemble de son équipe (une dizaine de permanents), auparavant éclatée entre deux sites. 'On avait l'impression d'être bien mieux accueillis partout ailleurs qu'à Lyon ; quand nous allons à Taïwan, c'est au théâtre national et quand ces gens-là viennent à Lyon, on avait honte de les recevoir dans un atelier non chauffé, c'était la zone !' raconte Michel Laubu qui a envisagé, un temps, de quitter Lyon pour installer sa compagnie à Bordeaux ou Cavaillon.
En s'installant dans une belle villa, Michel Laubu n'a pas le sentiment de s'embourgeoiser, mais 'simplement d'avoir enfin des outils de travail'. Le bureau de Michel Laubu n'a d'ailleurs rien d'un bureau de 'directeur' de compagnie avec ordinateur et piles de dossiers à annoter.
Des breloques Emmaüs, une girafe Sophie et des legos bouillis
'J'ai besoin d'un espace où je peux construire, où je peux sculpter des petites têtes dans des noyaux d'avocats, des os de seiche ou des pommes de terre, et laisser traîner des trucs' dit-il. Deux tables à dessin, un établi, un vieux buffet aux tiroirs remplis d'outils et des cartons débordants de 'trucs inutiles' occupent son bureau. Un seau plein de morceaux de murs polis par la mer côtoie des lots de breloques en plastique trouvés chez Emmaüs.
Michel Laubu récolte ces objets disparates "comme s'il revenait d'un champ de fouilles". À partir des éléments trouvés : un casque, une cuillère, des boulons, il essaye de reconstituer la mosaïque. "J'aime les objets usés par le temps ; ces traces nous montrent un chemin", explique Michel Laubu qui définit son travail comme de "l'archéologie fictive". Il trouve des patins à roulettes dont la taille correspond au fond d'une théière et donne naturellement vie à ce curieux attelage... Il croise le regard aguicheur d'une vieille godasse et la maquille de rouge à lèvres... Il crée une girafe Sophie avec une tête de robinet ou de poupée Barbie-turak ou encore il fait bouillir des legos pour ses constructions. 'Je fabrique beaucoup de choses sans savoir ce que je vais en faire' dit-il.
Quand Michel Laubu répète avec les comédiens, il se comporte en funambule. Ils s'avancent d'abord sur une trace en pointillés, faite d'une succession de moments et d'images drôles ou émouvantes. Puis, inlassablement, il relie entre eux ces moments de magie pure, de coïncidence entre musique, objets et comédiens, par le chemin le plus court, comme dans les livres d'enfants.
C'est ainsi que son théâtre s'adresse au plus large public, petits et grands, d'ici et d'ailleurs. Un villageois laotien ou un lisboète peuvent être éblouis de la même façon par un envol de pinces à linge ailées ou une tempête dans une serpillière. Comme toujours, Michel Laubu a plusieurs projets en cours.
Il prépare des 'clips vidéos avec petite chorégraphie d'objets' pour le chanteur Rodolphe Burger dont le prochain album sort le 2 février. 'Il m'invite sur ses concerts, moi je l'invite aux Subsistances, lors du week-end d'avril ' ça tchathe 'sur le langage'. Il revient d'une belle tournée en Islande, où sa compagnie a joué dans toute l'île, y compris les endroits les plus reculés. Il part dès cette semaine au Portugal, puis à l'Ile de la Réunion.
Depuis hier, l'un de ces petits spectacles magiques, s'apprête à partir en tournée à Helsinki et en Lettonie tandis qu'Intimae va tourner en France. A la Villa Neyrand, les Turak disposent d'une salle de répétition pour leurs spectacles de petits formats, c'est l'ancienne salle d'escrime qu'ils ont rebaptisée ice cream.
'C'est chouette ici ! C'est bien qu'on ne nous ait pas mis dans un préabriqué !' se réjouit Michel Laubu en regardant autour de lui. Mais les Turak ont une telle imagination poétique qu'ils auraient même pu transformer un préfabriqué en palais des merveilles.
Prochains rendez-vous : chantier de création 'Grammaire des oncles et apprentissage du silence', le 12 février à 19h30.
Création 'Les préoccupations d'une ornithophoniste' (titre provisoire) dans le cadre du week-end Ça tchatche les 3, 4, 5 et 6 avril, aux Subsistances.
8 bis quai Saint-Vincent, Lyon 1er.
www.les-subs.com
Le Turak théâtre est installé à la Villa Neyrand, 39 rue Champvert, Lyon 5e. Le site internet du Turak est à l'image de la compagnie :
super-inventif.
www.turak-theatre.com