C’est une fresque poétique et politique de plus de quatre heures que Joël Pommerat installe sur le plateau, mais aussi dans les gradins, du TNP (associé avec les Célestins pour accueillir ce spectacle à Lyon). La Révolution en costumes d’aujourd’hui, loin des stéréotypes et des figures glorieuses.
Joël Pommerat est en train de sortir du cercle fermé des “théâtreux” et des passionnés d’opéra. On a même pu voir le visage émacié de ce magicien de la scène dans l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché. Et certainement pas parce que l’on attendait de l’artiste de fracassantes déclarations. Sa parole, rare mais intense, n’est pas de celles destinées à faire du “buzz”.
Pommerat s’est fait un nom grâce à des spectacles bouleversants mais intimistes, où la dimension du conte rejoint celle d’une critique de notre modernité. On citera Au monde (créé en 2004), Le Petit Chaperon rouge (2004), Pinocchio (2008) et Cendrillon (2011).
Écrivain de spectacles
Avec sa compagnie, fondée en 1990 et baptisée Louis (le prénom de son père et un hommage à Louis Lumière) Brouillard, Joël Pommerat cherche à rendre sensibles des univers scéniques où l’image, la musique et les sensations comptent autant que le texte.
“Depuis que j’ai commencé à faire des spectacles [au début des années 1990, NdlR], je me suis toujours défini comme “écrivant des spectacles” et non pas comme “écrivant des textes”. En tant qu’écrivain de spectacles, j’ai toujours commencé par définir (et j’y tiens) pragmatiquement des grands principes de scénographie. Principes assez simples, fondés sur le modèle de la boîte noire. Ce modèle permet de recréer, dans des architectures théâtrales très marquées [le théâtre de la Main d’Or au début, Paris-Villette ensuite], des espaces neutres, au sens d’ouverts, propices à la création et à l’imaginaire, des espaces “vides” au sens brookien du terme.”
4 heures de révolution
Si sa méthode de travail est restée la même (des heures de répétition, de recherches menées sur le plateau avec son fidèle scénographe Éric Soyer), Ça ira (1) Fin de Louis sort complètement de l’univers intimiste habituel de Joël Pommerat, par son envergure, sa durée et son importante distribution (14 comédiens).
Ça ira… est une fresque de plus de quatre heures qui nous fait vivre au plus près le déroulement de la révolution française. Joué en costumes d’aujourd’hui, le spectacle résonne singulièrement à l’heure où l’Europe voit resurgir les nationalismes réactionnaires. Aidé par un historien et une importante documentation, Joël Pommerat se place loin des stéréotypes et des figures glorieuses.
Il fait du public une assemblée prenant part à l’action, à savoir les événements qui ont changé le cours de l’histoire de France entre le printemps et l’été 1789. De Versailles aux salles des états généraux, de l’Assemblée nationale aux rues environnantes, le metteur en scène multiplie les espaces scéniques au cours de ce spectacle qui a déjà créé l’événement avant de s’installer au TNP pour trois semaines.
Ça ira (1) Fin de Louis – Vendredi 8 et samedi 9 janvier, puis du 12 au 28 janvier, à 19h30 (sauf dimanches 15h30 et relâche les lundis), au TNP.
Autour du spectacle :
– “La révolte, entre destin individuel et prise de conscience collective” : débat du cycle Théâtre et philosophie, avec Joël Pommerat / lundi 11 janvier à 18h30 (sur inscription)
– “Il était une fois la révolution” : atelier pour les enfants de 6 à 10 ans, pendant le spectacle / dimanches 17 et 24 janvier à 15h (réservations à la billetterie)