L’Institut d’art contemporain de Villeurbanne accueille l’artiste plasticienne Camille Llobet avec Fond d’air, une exposition en forme d’immersion sonore passionnante.
Fruit d’une collaboration entamée en 2010 avec l’Institut d’art contemporain, Fond d’air permet à Camille Llobet d’investir la totalité des espaces avec des œuvres existantes et des productions récentes comme le superbe film Pacheû créé à cette occasion.
Dans l’univers du cinéma, le fond d’air désigne le bruit de fond propre à chaque lieu de tournage, l’artiste l’utilise ainsi comme une œuvre à part entière ou comme une matière travaillée, intrinsèque à chaque création.
Constitué en grande partie de vidéos, le parcours est une plongée dans des textures sonores qui proviennent autant de la voix humaine que d’enregistrements de bruits et de sons. D’entrée, la première salle donne le ton.
Immersif
Casque sur les oreilles, on pénètre dans un paysage par le son, qui nous permet de sentir une nature abstraite dans une scénographie dominée par la lumière bleue. Pluie, verre brisé, orage, rochers que l’on casse, piétinements, pierres qui roulent, sifflements, bruits sourds, eau qui coule, fluide ou en goutte à goutte, détournée par des bruits de métal… On écoute en boucle et c’est beau !
Traversant un sas qui transforme la voix au passage, une série de vidéos nous met face à des personnes qui nous parlent, avec le corps dans le silence, par onomatopées ou dans le mimétisme, certaines décrivent des scènes rythmées par des effets de stéréo qui nous incitent à les relier entre elles.
Une vidéo fascinante montre de grands sportifs de montagne en train de réaliser mentalement et avec des gestes précis leur entraînement au vol…
Camille Llobet nous invite simplement à être au monde avec nos sens et nos émotions au travers de langages qu’elle crée ou fait émerger de l’invisible, qui prennent aussi la forme de chorégraphies et de compositions musicales.
Pacheû, le film à ne pas rater
Le bijou à ne pas manquer est Pacheû, un essai documentaire sur le massif du Mont-Blanc, projeté dans une salle de cinéma reconstituée avec une acoustique exceptionnelle qui met en valeur un travail de prise de son très élaboré.
Réalisé en collaboration avec des guides de haute montagne et des géomorphologues, dans un contexte de changement climatique, le film est une mosaïque de sensations visuelles, sonores, tactiles et kinesthésiques qui nous donne l’impression d’être à l’intérieur, au plus près des corps, des paroles et des bouleversements que subit le massif.
Bruits du vent, poussière de glace, écoulements de rochers impressionnants dans les fissures d’une montagne blessée par la fonte des neiges. Elle souffre et tous les signaux sont là. Ce film n’est fait que de moments d’émotion du début jusqu’à la fin, comme ce dialogue entre deux guides.
Caméra centrée sur leur visage, ils regardent au loin, décrivent avec précision les chemins qu’ils vont emprunter et nous laissent les visualiser par leurs mots. Plus loin, leurs corps félins ou puissants escaladent et redescendent, ils nous embarquent dans des traversées où la vie côtoie la mort d’une manière assourdissante…
Fond d’air - Camille Llobet – Jusqu’au 28 mai, à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne – www.i-ac.eu