Couleau explique qu'au-delà de faire ré-entendre des personnages forts tous motivés par un idéal politique, ce diptyque est "l'aventure d'une troupe, une expérience rare qui s'étend sur trois saisons". Un miracle dans le contexte financier actuel.
Lorsqu'en 2006, Guy-Pierre Couleau travaille sur sa mise en scène des Justes, il commence à envisager Les Mains sales de Sartre comme une réponse à l'œuvre de Camus. Ecrites toutes deux en 1947 et abordant chacune le thème de l'engagement politique, les pièces sont symboliques des questionnements philosophiques d'après guerre : la liberté individuelle, la responsabilité, l'angoisse de l'incommunicabilité...
Pour rappel, Sartre et Camus étaient liés par une profonde amitié qui se brisa en 1952, suite à une divergence de vues sur l'attitude à adopter à l'égard du Parti Communiste. Cependant leur désaccord de fond est antérieur, comme l'illustre leur parti pris dramaturgique. L'œuvre théâtrale de Sartre est inspirée de L'Esthétique de Hegel, à partir de laquelle il souhaite réaliser un théâtre "austère, moral, mythique et rituel d'aspect", mais il s'apparente en réalité à "un théâtre de situations" dont les critiques saluent "la violence sèche et sarcastique". Le théâtre de Camus, lui, épouse une forme plus classique qui tend à cristalliser sa pensée et son esthétique. Cette opposition formelle a amené Guy-Pierre Couleau a "une opposition dans le traitement de l'espace scénique, bien que la scénographie soit presque la même", confie t-il.
Les Mains sales et les Justes abordent la question du terrorisme, la scène devient le lieu d'une démonstration philosophique. Les personnages de Camus demeurent des Justes, le héros sartrien lui "se salit les mains" ; cependant les deux philosophes se rejoignent sur ce que Sartre écrit en 1943 dans l' Être et le néant : "La mort n'est jamais ce qui donne un sens à la vie : c'est au contraire ce qui lui ôte toute signification". "La fin les réunit mais les moyens les opposent" : voilà ce que conclut Guy-Pierre Couleau sur les deux auteurs, insistant avant tout sur le caractère intemporel de leurs œuvres.
Les Justes, Camus. Du 4 au 13 mars.
Les Mains sales, Sartre. Du 18 au 27 mars.
Mise en scène Guy-Pierre Couleau.
Au théâtre de la Croix-Rousse, Place Joannès Ambre, Lyon 4è. 04 72 07 49 49.