Jamais un siècle ne fut tant préoccupé par l’interprétation dans toute l’Histoire de la Musique, aujourd’hui l’interprète est devenu presque aussi important que l’œuvre, alors chaque mois Lyon Capitale analyse les secrets de jeu des plus grands musiciens...
C’est en renouant avec une tradition d’interprétation du passé que le violoniste italien Giuliano Carmignola est devenu le petit prince de la musique baroque. De passage à Lyon pour un programme Jean-Marie Leclair et Antonio Vivaldi, le musicien sera accompagné du Venice Baroque Orchestra qu’il dirigera du violon comme lors de sa précédente venue au Festival de Musique Baroque, l’année dernière.
Pour les amoureux de Vivaldi, Giuliano Carmignola est l’homme qui a ranimé les Quatre Saisons dans un magnifique enregistrement avec le Venice Baroque Orchestra, dirigé par Andréa Marcon (sony). Son interprétation est exempte de vanité baroqueuse, il ne confond pas cabotinage et virtuosité. Ses intuitions de musicien sont justes et respectueuses de la partition au point d’être le premier violoniste italien à travailler sur des instruments montés à l’ancienne afin de coller au style d’interprétation du passé. Cette radicalité fait de lui aujourd’hui la référence en matière de musique du 18è siècle. Mais Carmignola n’est pas prisonnier d’un style figé désuet, il est au contraire étonnamment libre comme si sa maîtrise parfaite à l’ancienne lui ouvrait les portes d’une interprétation intemporelle. En étant hors mode, le violoniste a réussi à s’extraire du piège de l’industrie de la musique et livre ainsi des enregistrements qui connaîtront sans doute la postérité, la marque des grands musiciens.
Souvenirs vénitiens et mystères lyonnais
C’est au conservatoire de Venise, puis à Sienne et Genève que Giuliano Carmignola a perfectionné son jeu énergique et fougueux empreint d’une âme italienne délicate qui lui a permis d’aborder aussi les répertoires romantique et moderne avec, notamment, le prestigieux chef d’orchestre Claudio Abbado. À 58 ans, le violoniste a une carrière bien remplie : soliste d’exception, baroqueux reconnu dans un milieu exigeant, pédagogue à Venise et Sienne, il s’amuse aujourd’hui à relever tous les défis. Il a, par exemple, promis qu’il viendrait au Festival de Musique Baroque de Lyon chaque année pour interpréter les concertos pour violon du compositeur lyonnais Jean-Marie Leclair - des partitions réputées très difficiles- jusqu’à épuisement du répertoire. Leclair jouait du violon “comme un ange”, alors qui de mieux qu’un prince pour ressusciter le plus italien des compositeurs français, assassiné mystérieusement en 1764…