"Ces 11 400 enfants ont le droit d'entrer dans la mémoire des écoliers de France"

Le ministre de l'Education, Xavier Darcos, tente d'aménager la proposition en créant un groupe de travail, dirigé par la présidente de la Maison d'Izieu, Hélène Waysbord-Loing. Dans deux mois, elle doit proposer des documents pédagogiques sur ce thème.

Lyon Capitale : A la Maison d'Izieu, vous accueillez un grand nombre de scolaires. Quelles conclusions tirez-vous de 14 ans de "travail de mémoire" ?
Hélène Waysbord-Loing : A Izieu, on entre d'abord dans cette maison vide. Aux murs, les témoignages des enfants, lettres et portraits. Ensuite on va vers la grange et son exposition qui nous explique ce qui s'est passé. Le point de départ qu'est l'émotion permet d'enclencher le désir de savoir. Or le rôle de l'école est précisément de construire une compréhension.

Pourquoi n'étiez-vous pas en accord avec l'idée du président Sarkozy de confier la mémoire d'un enfant juif déporté à un élève de CM2 ?
Etant pédagogue de longue date, je savais que c'était peu praticable. Car la classe n'est pas le lieu du rituel et de la commémoration. Que peut faire un enfant seul face à la mémoire d'un autre enfant ? Rien du tout sinon être pris par l'indifférence ou l'accablement. Par contre, dans le travail de groupe, à partir de l'émotion que l'enfant éprouve, on peut construire un véritable travail de connaissance.

Dans les programmes de fin de primaire, la Shoah est déjà "un point fort de l'enseignement d'histoire". Est-ce nécessaire d'élaborer un travail pédagogique supplémentaire ?
Un bon nombre d'enseignants se sont déjà consacrés avec un grand engagement à ces questions. Il s'agit désormais de passer à une généralisation souple à travers tout le territoire et de leur donner des outils de référence. L'idée est de construire avec les enfants de CM2 une connaissance de la période adaptée à leur âge et à leur niveau autour du thème des 11 400 enfants exterminés.

Quelles seront ces ressources que vous allez apporter aux enseignants ?
Il y aura tout d'abord le témoignage des personnalités présentes mercredi dernier à la réunion de lancement : Simone Weil, Serge Klarsfeld ou Claude Lanzmann. On va ensuite rappeler les repères historiques (Quand a-t-on commencé à arrêter les enfants en dessous de 16 ans ?). Nous allons aussi rassembler et numériser tous les documents disponibles, dont les travaux de Serge Klarsfeld. Enfin, nous mettrons en avant les lieux ressources, aux premiers rangs desquels la Maison d'Izieu.

Mettre davantage l'accent sur un génocide, celui du peuple juif, ne risque-t-il pas de déclencher une concurrence des mémoires et d'attiser les tensions communautaires ?
Il y a là 11400 enfants juifs, ils étaient soit nés sur le sol français, donc français (même si la législation de Vichy avait aboli ce droit), soit accueillis au titre des droits de l'homme. A quel moment de notre histoire y a-t-il eu un pareil massacre d'innocents ? Ces 11 400 enfants ont le droit d'entrer dans la mémoire des écoliers de France et c'est ce qui m'anime dans la volonté de conduire cette mission.

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