Charles Picq : Marketing et Culture, "encore un tabou"

Trois mois de préparation pour six jours de présentation non-stop ; 8000 personnes attendues qui devront choisir leur abonnement au cours d'un grand show, mélangeant extraits de pièces, prises de parole et spectacle vivant. Réalisateur et vidéaste reconnu de la Maison de la Danse, Charles Picq a été le précurseur à Lyon de ce type de présentation de saison en images. Il nous rappelle en quoi cette grande messe qui, vue de l'extérieur pourrait ressembler à un vaste marché, correspond à l'idée du rôle que tient un théâtre au cœur de la cité et pourquoi la danse est intimement liée à l'utilisation de la vidéo.

Lyon Capitale : A travers ce grand déploiement de moyens dont le film est la pièce maîtresse, n'avez-vous pas l'impression de fabriquer un produit qui dicte au public ce qu'il doit acheter, afin de remplir vos salles ?
Charles Picq : La Maison est un théâtre qui programme de la danse et notre rôle est d'assurer, dans la cité, une fonction qui permette que ce lieu soit un espace de rencontre entre une œuvre, un artiste et un public. Notre travail se fait avant le déroulement du spectacle et nous devons trouver la manière intelligente, qui s'adresse à un public le plus large possible, afin qu'il vienne voir des œuvres qui pour nous sont fondamentales. Il serait vraiment paradoxal de présenter des spectacles devant des salles vides.

La forme de cette présentation vous permet-elle de jongler entre marketing et artistique ?
On a souhaité que la présentation devienne un spectacle, mieux, un vidéo-spectacle au cours duquel toute l'équipe est là pour rencontrer le public et lui donner envie de prendre un abonnement. Si on est dans le marketing, avec un produit qui s'ajoute à d'autres outils de communication, on ne fait pas les choses n'importe comment. La préparation est pensée très en amont pour récupérer les vidéos, je vais sur le terrain filmer des créations ou j'utilise mes archives si je n'ai pas d'images. Je conçois ce film exactement de la même manière que si je faisais un film pour ARTE, avec les notions de rythme, d'esthétisme, de perception du geste et de style. C'est une œuvre avec un regard artistique, une âme, de l'amour et du désir. Autant dire que ce n'est pas un film publicitaire créé par une agence de communication. Et si j'ai un message à faire passer aux théâtres, c'est celui-ci : que ce soit fait maison, avec la tête et les tripes des équipes !

Tous les théâtres n'ont pas les moyens de faire ce travail.
La question des moyens est peut-être ailleurs. Qu'est-ce qu'on veut investir pour quel résultat ? Si on parle en termes économiques, une entreprise aujourd'hui, quelle qu'elle soit, accorde un budget beaucoup plus important au marketing et à la communication, qu'une entreprise culturelle où l'on sent qu'il y a encore un tabou sur ces questions. Je reviens à la question de départ, on est là pour que les gens rencontrent des artistes, il faut s'en donner les moyens. Et si ces techniques nous permettent de répondre à nos objectifs, c'est donc là qu'il faut investir. On ne fait pas fausse route et on ne fout pas de l'argent en l'air.

L'outil vidéo n'est pas là par hasard, car il est historiquement lié au travail et à la reconnaissance de la danse...
Oui, car la danse est un art de l'éphémère, sur lequel il est difficile d'écrire, d'en saisir des empreintes ; c'est très différent de la musique où l'on a une partition et des CDs. L'image joue depuis très longtemps un rôle particulier et fondamental dans la transmission de la culture chorégraphique. Au moment où je suis arrivé à la Maison de la Danse, fin des années 70, l'utilisation de la vidéo commençait à se développer. J'ai beaucoup filmé, archivé et petit à petit, l'image est devenue un dispositif central dans notre travail, avec les écoles ou pour nos vidéoconférences. Le succès grandissant du DVD que j'ai réalisé pour les enseignants, Le Tour du Monde en 80 danses, en est encore la preuve. L'image contient énormément de mouvements, elle restitue leur fluidité, on y voit toutes les qualités de la danse et des danseurs, la relation avec la musique, on repère les styles, et en très peu d'images, on saisit énormément de choses. Les chorégraphes travaillent beaucoup avec, ils l'utilisent comme carnets de notes, pour affiner leur composition et transmettre leurs pièces

Présentation de la saison 2009/2010, du 24 au 29 avril. Maison de la Danse, 8 Avenue Jean Mermoz, Lyon 8è. 04 72 78 18 00.

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