Ciné : Les Combattants, un film de durs à cuire

En salles cette semaine, Les Combattants, premier long-métrage de Thomas Cailley. On y suit deux jeunes qui décident de partir à l’armée pour un stage de quinze jours. Le film poursuit son but : une comédie d’auteur, mais pas moralisatrice. Rencontre avec son réalisateur, Thomas Cailley.

“Qu’est-ce qu’on fait ? – On s’adapte, on survit.” L’histoire du film de Thomas Cailley est construite sur cette idée philosophique de survie. “En fait, ça m’est venu en regardant Man vs Wild, sur la TNT, à 4 heures du matin, avec Bear Grylls. Il cherche l’intensité, et ce qu’il fait, c’est totalement suicidaire”, nous confie Thomas Cailley.

Madeleine (Adèle Haenel) rencontre Arnaud (Kevin Azaïs), un peu par hasard, sur la plage, à côté d’un camion de recrutement de l’armée de terre. Lui est subjugué par le côté brut de décoffrage et “bizarre” de la jeune femme qui, elle, veut s’engager absolument pour l’armée. Elle est convoquée pour un stage de préparation : Arnaud, qui la trouve “bizarre”, décide d’abandonner la menuiserie familiale et de la suivre dans l’aventure. Débute alors une quête intimiste sur la survie et sur soi.

“Un film de personnages”

Dans Les Combattants, les deux personnages de Madeleine et Arnaud sont centraux, l’un contrebalançant l’autre. Thomas Cailley les a pensés comme cela avant de choisir leurs interprètes. Et il ne regrette pas ses choix : “Adèle Haenel était notre première idée pour le rôle de Madeleine. On l’a rencontrée, et j’ai trouvé irrésistible le côté “300 à l’heure”, surtout quand elle parle. Chez elle, il y a quelque chose de clair, droit, déterminé, et aussi quelque chose d’irrationnel. Elle était parfaite pour le rôle.”

Pour Arnaud, joué par un excellent Kevin Azaïs, le choix fut basé sur sa personnalité – “un petit dur, mais la panoplie tombe quand on le connaît”. D’où viennent donc ses choix d’acteurs ? Du temps qu’il prend pour les rencontrer. Pour Thomas Cailley, “une fiction réussie est un documentaire sur les acteurs”.

Un récit initiatique et philosophique

Le film, tourné pendant trois ans de manière chronologique, est un véritable récit initiatique, où le voyage des deux personnages tourne à l’introspection. L’armée joue presque le rôle de psychologue, en faisant grandir les personnages et les faisant évoluer du début jusqu’à la fin. Et puis il y a la comédie, qui fonctionne extrêmement bien, tout le temps de manière implicite. Thomas Cailley se joue des codes de celle-ci pour créer une sorte de “comédie d’auteur”, sur la vie, sur soi, sur l’amour.

Le réalisateur s’est attaché à montrer les moindres émotions, les moindres failles des personnages, grâce aux gros plans. Lors d’une tempête, on croirait les personnages représentés par la nature. Normal, puisque ces paysages n’ont pas seulement été filmés pour faire de jolies images, mais aussi parce qu’ils constituent “le prolongement des personnages qui sont filmés”. La ténébreuse Madeleine, apocalyptique et colérique, tranche avec le serein et tranquille Arnaud. Le feu contre l’eau, la tempête contre le beau temps. Voilà comment se rythme un récit, cours de réalisation, première année.

Réussi ?

Le film est un des plus beaux de ces dernières années : le comique est présent, et l’histoire d’amour qui naît entre les deux personnages est belle à voir. Pour un premier long-métrage, le réalisateur a franchi une première étape : réaliser un film agréable et optimiste, fictionnel et réaliste – “Des couples comme Arnaud et Madeleine, y en a partout”. Les deux révélations du film, Adèle Haenel en tête, sont d’ores et déjà promis à une grande carrière (Adèle Haenel vient de jouer dans L’Homme qu’on aimait trop, d’André Téchiné). Quant au réalisateur, il a “quelques scénarios dans les cartons”. Son envie : continuer de travailler avec son frère, David, qui faisait l’image de ce film.

Les Combattants, de Thomas Cailley, 1h38. Avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, Antoine Laurent, Brigitte Roüan, William Lebghil. Sortie en salles le 20 août 2014.
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