Critique. Dans son quatrième long métrage, le réalisateur Kim Chapiron suit le parcours chaotique d’un jeune Français d’origine malienne qui devient un imam charismatique en Seine Saint-Denis. Inspiré d'un fait réel, ce récit tout en nuance et en sensibilité tranche avec certains clichés sur l’islam en France.
Ali est encore un tout jeune garçon lorsque sa mère – qui élève seule ses trois enfants – décide de l’envoyer dans une école coranique au Mali. Une décision qui fait suite à la disparition d'une grosse somme d’argent que son fils a volé à la communauté lors d’une cérémonie religieuse familiale.
C’est dans la madrasa d’un petit village malien, alors qu’il commet à nouveau un larcin, qu’il découvre le sens du bien et du mal, du pardon et de la rédemption.
Dix ans plus tard, Ali est de retour en France. Assagi, érudit et pieux, il est devenu un modèle pour sa famille et ses amis. Au point que le vieil imam du quartier songe à lui pour le remplacer.
Orateur doué, il devient alors un imam populaire, grâce notamment aux réseaux sociaux, mais finit par se brûler les ailes, grisé par le succès…
Un récit plein d’humanité
Avec son quatrième long-métrage, co-écrit avec Ladj Ly - réalisateur des Misérables - Kim Chapiron sait qu’il s’attaque à un sujet hautement inflammable. Pour preuve, les difficultés à financer son film et à le diffuser en France. On compte ainsi seulement deux salles dans l’agglomération lyonnaise pour sa sortie ce mercredi 26 avril.
Une frilosité qu’on pourra mettre sur le compte du thème abordé - l’islam des banlieues - plutôt qu’au film lui-même et son histoire tiré d'un fait réel. Car dans Le jeune Imam bien malin celui qui pourra déceler un sujet de polémique. Nulle provocation, zéro militantisme ou même prosélytisme dans ce film, qui s'affranchit avec intelligence des clichés et des caricatures qu'on retrouve souvent dans les fictions dont le terrain de jeu est la banlieue.
Ni musulman, ni enfant de la cité, et pas complètement français de souche car il est d’origine vietnamienne par sa mère, Kim Chapiron a probablement le bon profil pour objectiver la question de l’islam en France, laquelle s'est davantage polarisée sur les fractures culturelles et ethniques que sur la laïcité.
De la pratique religieuse de ces jeunes issus de l’immigration, le réalisateur a cherché à en tirer un récit qui sonne juste avant tout, en étant au plus près de la réalité sociale des cités.
Pour cela, il filme cet univers à bout portant. Plan serré et photographie léchée – on est au cinéma, malgré l'aspect parfois quasi documentaire - Kim Chapiron nous livre une histoire singulière et empreinte d’humanité.
S'appuyant sur l’ambiguïté du personnage principal, incarné par un Abdulah Sissoko – solaire – doutant de l'amour de sa mère et cherchant sa reconnaissance, le cinéaste aborde avec une infinie délicatesse les rapports familiaux, communautaires et intergénérationnels. Autant d’hommes et femmes qui tentent de dépasser leurs difficultés quotidiennes ou leur désœuvrement grâce à la foi.
En présentant un islam rassembleur, altruiste mais aussi perméable à l'orgueil, au conflit ou à l'appât du gain, le réalisateur ne tombe pas dans le piège d'un propos laudatif ou moralisateur. Ce sens de la nuance et du réalisme est assurément l'une des grandes forces narratrices de ce film.
Le Jeune Imam, de Kim Chapiron. Avec Abdulah Sissoko, Hady Berthe… Sortie le 26 avril 2023. Séance au Pathé Vaise et au cinéma Gérard Philipe (Vénissieux).