Avec Je verrai toujours vos visages, Jeanne Herry livre un long-métrage dépouillé où la parole et l'écoute jouent les premiers rôles.
Il se dégage de Je verrai toujours vos visages, une forme d'espoir vain. L'espoir d'une justice réparatrice - ici restaurative - dont le passage guérirait les blessures des victimes et apaiserait les cœurs des coupables. L'espoir de prisons françaises qui, loin de leur encombrement actuel, deviendraient des lieux de réinsertion sociale plutôt que des fabriques à récidivistes et marginaux.
Une parole coûteuse et réparatrice
Après Pupille, Jeanne Herry livre un long-métrage âpre, dépouillé, dans un style documentaire. Le film suit en parallèle deux faces d'une même pièce : la justice restaurative. L'idée est de proposer à des auteurs d'infractions de dialoguer avec des victimes, au sein de dispositifs émotionnellement encadrés et sécurisés. D'un côté, Judith, interprétée avec justesse par Elodie Bouchez, organise une rencontre entre Chloé et son demi-frère qui l'a violée à plusieurs reprises alors qu'elle n'avait que sept ans. Lui sort tout juste de trois années derrière les barreaux. De l'autre, Fanny, incarnée par la parfaite Suliane Brahim, et Michel joué par Jean-Pierre Darroussin, bénévoles, organisent pendant plusieurs mois des rencontres entre trois détenus et trois victimes.
Dans un salle sans âme d'une prison, assis sur des chaises disposées en cercle, bâton de parole à la main, auteurs et victimes s'écoutent. Pas de musique, des plans fixes, aucun artifice, la parole seule, puissante, coûteuse et mise en musique par un casting parfait dont la justesse et le talent absorbent le spectateur. Si le processus de réparation, et de compréhension de l'autre touche évidemment juste, c'est aussi et avant tout l'engagement de quelques femmes et hommes au service de la société qui attrape le spectateur.
C'est qu'il aura fallut à nos deux bénévoles plusieurs mois d'échanges avec victimes et auteurs d'infractions, pour parvenir à organiser huit rencontres, une par semaine. Huit rencontres au terme desquelles Issa, Nassim et Thomas sont déterminés à se sortir de la délinquance, Nassim auteur d'un home-jacking lançant aux victimes, "je ne pourrai pas [recommencer], je verrai toujours vos visages". Du long-métrage de Jeanne Herry se dégage une pureté, celle de l'engagement inconditionnel. Celle d'avoir la conviction d'aider autant que possible, tout en faisant quotidiennement face à son impuissance.
La justice restaurative, "c'est tout ce que la société déteste", résume Judith dans un discours clôturant le film. Chronophage, complexe, incertaine, restaurative ou non, la justice est tout cela, et le long-métrage de Jeanne Herry nous rappelle nécessairement son caractère profondément humain.
Je verrais toujours vos visages, Jeanne Herry, 1h58, sortie en salle ce mercredi 29 mars