Lumière, l’aventure continue © Institut Lumière

Cinéma : Louis Lumière, écrire le mouvement, écrire le monde

À l’occasion des 130 ans, jour pour jour, de La Sortie de l’usine Lumière, le 19 mars, sort Lumière, l’aventure continue ! qui, à la suite de Lumière ! L’aventure commence, revient sur l’invention du cinéma, en tant que technique mais surtout en tant qu’art dont un certain Louis Lumière a contribué à écrire la grammaire.

Même les films de patrimoine peuvent connaître des “sequels”. C’est ici le cas de Lumière ! L’aventure commence, film de 2017 signé Thierry Frémaux et qui racontait l’histoire des premiers films de l’histoire du cinéma, œuvre pour la plupart de Louis Lumière. Sans que le film n’ait fait un carton en salles, son faible budget initial en fit l’œuvre la plus rentable du cinéma français cette année-là. Ce n’est pas la raison pour laquelle Thierry Frémaux a commis cette suite qui, en réalité, n’en est pas vraiment une, on s’en doute. La raison en est que l’histoire (du cinéma, enfin de ses débuts) n’était pas finie et qu’il y avait encore bien des films (on les appelle ici “vues”) à faire découvrir au spectateur. On en compte deux mille sous l’étiquette Lumière qui font de manière invariable cinquante secondes (la durée d’une pellicule d’alors) et Lumière, l’aventure continue en propose une nouvelle centaine, très majoritairement inédite et toujours fascinante, commentée par Thierry Frémaux, à la fois pédagogique et poétique juste ce qu’il faut.

Lumière, l'aventure continue © Institut Lumière

C’est qu’il y a bien sûr l’invention, dont les frères Lumière posèrent la dernière pierre après avoir sensiblement amélioré les approches de leurs confrères, pour poser les bases techniques de ce qu’ils nommèrent le cinématographe (soit “écrire le mouvement”) plutôt que le “Domitor” (une idée de leur père, vite recalée). Mais il y a surtout, au-delà, la question de l’esthétique, de la mise en scène, que Louis Lumière intègre dès ses premiers films et à laquelle il répond avec un certain génie. Le film commence ainsi comme un voyage avec des caméras subjectives qui placent le spectateur à l’avant d’un transatlantique ou de trains, se poursuit avec des panoramiques ou des plans fixes qui jouent sur la profondeur de champs : une fascinante vue dans un chapitre consacrée à des images militaires, sublimes, montre une troupe à cheval cavalant depuis l’horizon vers l’objectif de la caméra, au premier plan. Scène qui rappelle immédiatement aux cinéphiles des images familières, de western (La Horde sauvage ou Mon nom est Personne, parmi d’autres) et dont on jurerait, s’il l’a vue (ce qui est notoirement impossible), qu’elle a inspiré le cinéaste hongrois Béla Tarr pour cette scène des Harmonies Werckmeister où pendant de très longues plombes un camion avance à une lenteur qui confine au surplace, du fond du plan jusqu’au pied de la caméra.

Lumière, l'aventure continue © Institut Lumière

Terres lointaines

Écrire le mouvement, le dessiner, dans des plans magnifiquement composés (cette scène encore où des chasseurs alpins en manœuvre serpentent dans la montagne) mais aussi écrire le monde, la France et la vie des Français, des villes comme des champs, dans leurs occupations les plus triviales (brûler de mauvaises herbes, faire les foins, laver du linge). Car le cinématographe est conçu pour le peuple et pour qu’il voyage jusqu’à des terres lointaines, où Louis Lumière envoie ses opérateurs filmer New York, Boston, le Japon ou la Cochinchine, premiers témoignages cinématographiés (nous sommes entre 1896 et 1900) d’un monde que l’on ne peut qu’imaginer. Cela revient, à l’époque, à rapporter des images de Mars. Il y a aussi bien sûr la fiction qui dès L’Arroseur arrosé (le premier gag de l’histoire), classique présenté dans le premier film et dont il est à nouveau question, pose les bases de la mise en scène et du jeu d’acteur, que Louis Lumière affine et qui, aux mains de nombreux autres, deviendra une industrie prospère, d’un spectacle dont Louis Lumière est aussi l’inventeur.

"Cette machine n’a aucun avenir”

Deux anecdotes à ce propos : la première, lorsque Lumière envoie des opérateurs aux États-Unis, ils sont expulsés car les Américains voient d’un mauvais œil cette concurrence qui pourrait être faite à Thomas Edison. Nous sommes loin de l’avènement de Hollywood, et pourtant si proches. L’autre : lors de la première projection de films Lumière à Paris, en 1895, un homme au départ peu enthousiaste, jusqu’à ce que la démonstration du cinématographe commence, tombe en pâmoison devant le prodige animé. Il court voir Louis Lumière pour l’enjoindre à lui vendre son invention. Lumière refuse : “Je vous rends service en faisant cela, dit Louis. Croyez-moi cette machine n’a aucun avenir.” On connaît la suite, 130 ans après. Et cet homme, c’est Georges Méliès. Quelques mois plus tard, il réalise son premier film.

Lumière, l’aventure continue ! de Thierry Frémaux. Au cinéma le 19 mars.

Avant-première le 4 mars à 20 h 30 au Comœdia.

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