Les émotions qui restent, la mémoire, le souvenir, l’histoire… Juste avant le printemps, notre sélection d’expositions à voir à Lyon se retourne, interroge. Et puis cède au merveilleux stéphanois.
Capteuses d’émotion au Polaris
Gladys Brégeon et Natasha Krenbol vivent hors de Lyon, voire hors du petit monde des lieux “où il faut être” pour “gérer” une carrière officielle ; l’une dans le haut Beaujolais, l’autre dans la Drôme. Elles ne font pas pour autant partie des courants naïfs ou singuliers, ni de l’“art-broussepoil”. Toutes deux conçoivent et vivent leur œuvre dans un parcours libre et obstiné. Natasha Krenbol, née entre une mère dadaïste et un père émigré cairote, puise ses sources dans ces courants, cette vie de rencontres, l’art du quotidien. Son œuvre vagabonde entre de “triomphantes vibrations”, des évocations du monde et de la rue, les traces du temps et des voyages, une humanité sans répit, peuplée de migrants. Gladys Brégeon utilise aussi bien la gravure, la photographie, que les installations ou les livres qu’elle grave, investit et illustre. Technicienne avertie et inventive, elle capte le “jour le jour”, les atteintes à la vie et son calme. Toutes deux vivent à la fois ailleurs et bien dans leur temps, pour capter ce qu’il reste d’émotions.
Gladys Brégeon et Natasha Krenbol – Jusqu’au 15 mars au Polaris (Corbas)
15 ans de collection chez Françoise Besson
Françoise Besson montre et vend des œuvres d’une trentaine d’artistes plus ou moins reconnus qu’elle a pu rencontrer et défendre depuis quinze ans. On remarque le goût pour le papier, un dessin assez libre et une contemporanéité plutôt gestuelle. Reprend-elle la réflexion d’Edgar Degas affirmant que “le dessin n’est pas la forme, il est la manière de voir la forme” ?
Chacun peut retrouver Joseph Beuys, Marc Desgrandchamps, Jim Dine, Patrice Giorda, Aurélie Nemours, Djamel Tatah ou Jean-Xavier Renaud.
L’œil et le cœur – Jusqu’au 30 mars à la galerie Françoise Besson (Lyon 1er)
Des traces pour le futur chez Tator
Né en 1989 et formé à l’école des beaux-arts de Lyon, Maxime Possek demande : “Comment faire de la mémoire, comment se souvenir ?”
Il réalise donc des “films” comme des journaux, des lettres, pour “plus tard”.
Il cherche les traces du temps dans le paysage urbain, où la ville grouille sur les vestiges du présent à la recherche de l’expérience du temps dans ce qui est en train de disparaître.
Maxime Possek / Memory Films Archives – Jusqu’au 29 mars à la galerie Tator (Lyon 7e)
ÇA FINIT
Peinture et sculpture de père en fils à la galerie Pallade (dernier jour)
Ouverte depuis 2007, la galerie Pallade poursuit ce qu’elle a montré auparavant dans différents musées et instituts français à l’étranger. Vincent Guzman, le fils, interroge la vie et son double. Il peint des toiles semblant abstraites, colorées, voire décoratives. Puis peuvent apparaître des formes, des appels, des souvenirs, un “passé présent” en relation à l’Amérique du Sud de ses racines. Les sculptures de son père, Alberto Guzman, péruvien d’origine, décédé en 2007, sont en bronze. Leur abstraction, solide, interroge également le souvenir et ses traces.
Guzman et Guzman – Jusqu’au 9 mars à la galerie Pallade (Lyon 1er)
C’EST PLUS LOIN
Des femmes face à l’histoire à Voiron
1011 est une plasticienne grenobloise qui présente “Ecce homo”, une exposition qui démarre le 9 mars, lendemain de la Journée internationale des droits des femmes. Sa démarche artistique rend compte des situations des femmes en abordant les difficultés qu’elles rencontrent dans l’éducation, la santé et l’aspect législatif. Dans son travail de création, 1011 prend soin de ne jamais créer d’images violentes, revendique l’esthétisme pour parler des sujets d’actualité et utilise l’humour. Elle peut s’inspirer d’artistes militantes comme Niki de Saint Phalle ou Rebecca Horn, mais également de femmes qui ont changé avec courage les mœurs et les lois, telles Simone Veil, Élisabeth Badinter ou Malala, la jeune militante pakistanaise des droits des femmes, prix Nobel de la paix en 2014.
“Ecce homo” est constituée de plusieurs séries, dont This is not consent, inspirée d’un procès irlandais. En 2018, un homme de 27 ans accusé du viol d’une adolescente de 17 ans à Cork a été acquitté. À croire que la défense de son avocate a convaincu. “Vous devriez regarder la façon dont elle était habillée. Elle portait un string en dentelle !” avait lancé Elizabeth O’Connell. Un string en dentelle comme preuve de consentement ? Pour dénoncer le verdict, la députée Ruth Coppinger en a arboré un en pleine séance du Parlement irlandais. Des femmes indignées ont accepté de prêter à 1011 ce petit bout de tissu, symbole supposé de culpabilité, pour qu’il soit dessiné et épinglé.
1011 / Ecce Homo – Du 9 mars au 14 avril, à la Théorie des espaces courbes (TEC) à Voiron (38)
À voir pendant la Biennale du design
Pour son 30e anniversaire, le musée d’Art moderne de Saint-Étienne a donné carte blanche à Marie-Ange Brayer, conservatrice en chef au centre Pompidou. “Design et merveilleux” clôt le cycle des expositions d’exception de cet anniversaire. L’avènement du numérique a modifié la notion d’ornement dans le design. Libérée, la forme ornementale s’épanouit dans une dimension calculée de transformation, qui puise sa dynamique dans les processus de croissance de la nature. L’ornement n’est plus un simple motif : il s’affirme désormais comme une “forme animée”, générative. Au sein de cette nouvelle grammaire numérique, l’ornement ouvre sur la notion de “merveilleux” qui instaure une continuité “entre le naturel et le surnaturel” (Étienne Souriau). L’exposition, tel un cabinet de curiosités numérique, raconte une histoire inédite du design à travers une centaine d’œuvres majeures de designers français et internationaux, issues principalement des collections du Musée national d’art moderne.
L’exposition s’inscrit dans la programmation de la 11e Biennale internationale du design, du 21 mars au 22 avril.