Cinq raisons de prendre la tangente pour Tanger

1 Une ville sacrément cosmopolite

On a tendance à l’oublier, mais Tanger est à seulement 13 km de l’Espagne. Depuis la Terrasse des Paresseux ou le Café Hafa (lire encadré), l’Europe n’est pas un continent. Mais une voisine, que l’on aperçoit aisément au loin, les deux rives se rapprochant d’ailleurs de 5 centimètres chaque année. Si la présence humaine à Tanger est attestée depuis quelque 20 000 ans avant Jésus-Christ, la ville - où la mer Méditerranée s’accouple avec l’océan Atlantique - a toujours été un carrefour, un lieu d’échanges. Le cosmopolitisme coule dans ses veines. Après avoir été un comptoir punique, Tanger fut tour à tour romaine, propriété des califes d’Al-Andalus, portugaise, anglaise, un peu espagnole, vaguement française, avant de devenir enfin 100% marocaine à l’indépendance, en 1956.

2 Un éclectisme architectural sans pareil

Composite, interlope, Tanger l’est jusque dans son architecture. Autour de la médina, les façades sont volontiers madrilènes ou portugaises. Mais aussi Art déco. Dans la casbah, construite sur le flanc d’une colline dévalant sur la mer, c’est un tableau cubiste blanc où s’étagent les petits palais mauresques et les terrasses où flotte le linge. Dans la ville moderne, du cannabis pousse sur des gratte-ciels. Après la pluie, le bord de mer prend des allures de croisette, avec ses grandes avenues, ses vastes cafés, ses discothèques géantes. Dans le quartier du Marshan, l’un des plus huppés, difficile de se croire en Afrique : villas provençales, andalouses, florentines, cottages façon Nouvelle-Angleterre. Se promener dans Tanger, c’est accepter de faire des bonds. Dans le temps, mais surtout dans l’espace.

3 Une éternelle terre d’accueil pour les curieux…

Les Tangérois soutiennent que Noé, Hercule et Ulysse furent parmi les premiers voyageurs à s’y arrêter. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la ville fut, des années trente à soixante, un paradis pour les épris de liberté. Et l’on peut le comprendre. Imaginez une cité jouissant d’un statut de zone internationale, exempte de droit de douanes, aux moeurs totalement libres et vivant sous l’autorité confuse de plusieurs États - donc d’aucun- au soleil, en bord de mer et à quelques minutes à peine de l’Europe ! À cette époque, Tanger grouille de ministres plénipotentiaires ou de diplomates vaguement barbouzards. Artistes, penseurs, puissants, baroudeurs et autres marginaux s’y donnent rendez-vous. En 1954, le magazine américain Life qualifie Tanger de “ville la plus moderne du monde” et l’auteur Paul Bowles la surnomme “Dream City”. On y croise une faune d’écrivains en rupture (Beckett, Genet, Morand, Burroughs, Capote, Tennessee William, Saint-Exupéry, Loti, Kessel, Kerouac), des peintres (Delacroix, Matisse, Bacon), des musiciens (The Rolling Stones, Jimi Hendrix), des gens de cinéma (Elizabeth Taylor, Luchino Visconti, Noel Coward) mais aussi des philosophes (Barthes, Foucault), des mondains (Malcolm Forbes, Barbara Hutton), des politiques (Churchill), dont certains pas toujours très fréquentables (Eichmann).

4 … et qui continue de les accueillir

Si ces fantômes de l’âge d’or de Tanger ne sont plus, ils hantent encore aujourd’hui la ville. Et sont remplacés par d’autres. Depuis son réveil, à l’orée de l’an 2000, Tanger voit reprendre le défilé des personnalités : Pierre Bergé, BHL, Kenzo, Mireille Darc, Jean-Louis Scherrer, le chanteur Renaud - décidément bien bobo y possèdent désormais une villa. Et sur la route menant au Cap Spartel, on ne compte plus les palaces construits par les émirs du Golfe. Les Marocains observent ce ballet people d’un œil étonné et circonspect. Pour eux, la liberté n’est pas ici mais en face, de l’autre côté de ce minuscule détroit. Et Tanger n’est que leur salle d’attente.

5 Une ville qui renaît de ses cendres

Nid d’espions et d’aventuriers où l’argent coule à flot, Tanger tombe soudainement en léthargie à la fin des années cinquante. Le roi Hassan II ne porte pas le nord du Maroc dans son cœur. Nombre des hommes qui ont trempé dans les complots contre son trône étaient originaires du Rif, l’arrière-pays tangérois. La ville, délaissée, devient alors la cité de tous les trafics (la région est sur le podium des plus gros producteurs de cannabis), du blanchiment. Fort heureusement, depuis l’arrivée sur le trône de Mohamed VI, la donne a radicalement changé. Tanger renaît. Le jeune roi veut faire de la capitale du nord du Maroc la base arrière de l’Europe. Son modèle : Dubaï et sa zone franche de Jebel Ali, dont Tanger est désormais partenaire. Le royaume ne lésine pas pour rendre la ville attractive : entre le début des années 2000 et aujourd’hui, le budget de la ville a été multiplié par huit. On y construit des golfs, des spas, des marinas et six nouvelles stations balnéaires. D’ici 2015, la région ambitionne d’accueillir deux millions de touristes. Mais également des investisseurs. Pour cela, elle mise « sur le développement des infrastructures (nouvelles autoroutes, TGV, voies ferrées...), sur l’implantation d’industries lourdes (Renault Nissan) et d’un pôle dédié aux nanotechnologies. Mais surtout sur son nouveau grand port commercial, Tanger-Med, qui d’ici à 2012 permettra de traiter le chiffre-record de 8,5 millions de containers » , explique Jelloul Samsseme, directeur du centre régional d’investissement Tanger-Tétouan. Un autre méga-port est d’ailleurs en construction, pour éviter toute saturation. Une politique de grands travaux dont le gouvernement espère tirer la création de 150 000 emplois. Et capter un marché potentiel de 600 millions de consommateurs (300 millions d’Européens et autant d’Africains de l’Ouest et du Nord)

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