Les “syndicats” de Lyon – Parchemins conservés aux archives municipales © Antoine Merlet

Cold case à Lyon : qui a tué le fils de François Ier ?

10 août 1536, François de France, fils de François Ier meurt au château de Tournon en Ardèche. Quelques jours plus tôt, il était à Lyon pour une partie de pelote mortelle. À qui profite le crime ? La mort du Dauphin a ruiné les ambitions lyonnaises alors capitale économique européenne et peut être bientôt capitale du royaume de France.

28 février 1518, François naît au château d'Amboise. Fils de François Ier, roi de France depuis janvier 1515 et de Claude, il est promis à un bel avenir. Le nouveau-né, aîné, obtient le titre de dauphin. À la mort de son père, il régnera à son tour. Son destin est tracé, il est déjà promis en mariage à Marie d'Angleterre qui n'a que deux ans (suite au traité de Londres).

La tragédie va pourtant le toucher par deux fois durant sa jeunesse. Le dauphin perd sa mère en 1524, à l'âge de six ans. En 1525, François Ier est défait à la bataille de Pavie par les troupes de Charles Quint du Saint-Empire romain germanique. Il est fait prisonnier, mais parvient à être libéré grâce au versement d'une rançon collectée en partie auprès de riches comme les Gadagne de Lyon. Il doit aussi accepter que ses fils François et Henri restent en otages. La mort dans l'âme, il s’y plie et ne retrouvera ses enfants qu'en 1530. Le roi aurait alors fait un bel accueil à François, tout en étant moins chaleureux avec Henri. Père et aîné se ressemblent. En grandissant, le dauphin va présenter les mêmes qualités que François Ier. Ils ont tous les deux cette fougue qui les caractérise, héritiers des grands chevaliers du Moyen-Age. Henri, un an de moins, est plus timide, vivant dans l'ombre de son frère. Il n'était pas destiné à régner jusqu'à ce qu'une journée sous le soleil lyonnais fasse tout basculer.

Les lieux du "crime"

En 1536, la cour de France est à Lyon, François Ier prépare une nouvelle guerre contre Charles Quint. Le roi de Milan est mort et n'a aucun héritier. François veut conquérir ces terres par la force. Lyon est la base idéale. La ville a toujours fait un bel accueil à François Ier. Le monarque aurait même songé à installer sa capitale à Lyon, tournant ainsi le dos à Paris. La ville lui a déjà porté chance. En 1515, avant la célèbre bataille de Marignan, il passe par Lyon. Il revient à plusieurs reprises en 1516, 1522 et 1523. Lyon est aussi une place stratégique incontournable face à la réforme luthérienne venue d'Allemagne. En 1528, un concile pour lutter contre cette "hérésie" est organisé en ville.

Parallèlement, Lyon est en plein âge d'or, notamment grâce aux foires octroyées par Charles VII en 1420. Lyon attire les commerçants de toute l’Europe, ce qui va déclencher un cercle vertueux menant jusqu’à son âge d’or. Banquiers, marchands, soyeux, poètes, mais aussi des rois, convergents vers la ville.

Nous revoilà le 10 août 1536, dans ce contexte florissant alors qu'un lourd été étouffe la cité. Le dauphin joue à la pelote dans le pré d'Ainay. Assoiffé, il boit un peu d'eau dans un potet de terre. Deux versions s' opposent alors sur la suite de l'histoire. Selon certains, la fatigue s'abat sur lui d'un seul coup, pour d'autres, il n'aurait pas ressenti un quelconque malaise. Dans tous les cas, sans le savoir, François est en train de mourir. Le prince décide de suivre la cour qui doit se rendre en Provence. La descente se fait via le Rhône. Le 7 août, vers Tournon dans l'Ardèche, son état de santé empire, il débarque. C’est la fin, François meurt dans la nuit du 9 au 10 août.

Le coupable idéal

Immédiatement, on pense à un empoisonnement, à la mode à l'époque. À qui profiterait cet odieux crime ? L'empereur Charles Quint, ennemi de toujours, est le commanditaire idéal pour les esprits de l'époque, mais comment aurait-il pu accéder au prince pour déverser le poison ? Lyon, nid d’espions ?

Là encore, par quelques raccourcis facilités par l'émotion, on accuse immédiatement l'italien Sébastien de Montecuculli, proche du dauphin. Il est présenté comme un ancien homme de Charles Quint. Sans réelle enquête, ce coupable idéal est jeté en prison à Roanne. Les geôles lyonnaises sont recalées, la communauté italienne est si importante que les autorités redoutent qu'une évasion soit organisée.

Montecuculli est torturé et avoue le crime. Il n'accuse pourtant pas Charles Quint. Sous la douleur, il perd la raison : tous les grands noms d'Italie se retrouvent être les commanditaires. Un procès est organisé à l'automne, simulacre de justice où François Ier a déjà dicté son verdict. En octobre, Sébastien de Montecuculli est déclaré coupable. Il est ramené à Lyon où il est écartelé grâce à quatre chevaux devant les yeux de François 1er et sa cour. Les membres du pauvre homme sont placés au quatre portes de la ville, sa tête sur une lance. Le corps est livré à la folie de la foule. Lyon se repend du sang de celui présenté comme meurtrier. On pense que justice est alors faite.

Des murmures venus de la cour de Charles Quint accusent d'autres commanditaires, ceux qui ont eu le plus à gagner dans cette histoire : les Médicis. Le futur Henri II et sa femme Catherine de Médicis sont promis à devenir roi et reine de France. La mort du dauphin marquera aussi la fin d'un rêve pour Lyon, alors capitale économique en Europe. Fou de chagrin, François Ier s'est détourné de cette ville qu'il aimait tant et n'en fit jamais sa capitale. En vérité, le dauphin est sans doute mort d'une pleurésie, inflammation de la plèvre. Et voilà qu'après la Renaissance on fait remonter l’origine de cette maladie au séjour du dauphin dans les prisons d'Espagne. L'ombre de Charles Quint n'est jamais loin.

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