Compagnie AToU : danser l’invisible

En mêlant danse, musique électro-acoustique et art numérique, la chorégraphe Anan Atoyama explore intelligemment le rêve et l’inconscient. À découvrir !

Née au Japon, à Fukuoka, la danseuse et chorégraphe Anan Atoyama est en France depuis 2008 et en résidence avec sa compagnie AToU au centre culturel Charlie-Chaplin de Vaulx-en-Velin. Formée au classique, c’est en partant aux États-Unis faire des études de psychologie qu’elle découvre la danse moderne, en particulier le travail de Cunningham, Marta Graham et Trisha Brown. Elle a développé plusieurs projets à travers le monde tout en retournant au Japon présenter ses créations.

En 2012, après avoir collaboré en tant que danseuse au concert du musicien expérimental Keiji Haino, dans le cadre d’À Vaulx Jazz, elle est choisie comme chorégraphe par les villes de Sainte-Foy-lès-Lyon et Vaulx-en-Velin pour le défilé de la Biennale de la danse, et fait venir à cette occasion sept jeunes danseurs de la préfecture de Fukushima.

En japonais ancien, le mot atou signifie “possible”, et c’est entre l’Orient et l’Occident et leurs différences de culture qu’elle cherche – à travers sa danse – les traits d’union, l’universel et tous les “possibles humains”.

Une danse à la recherche du rêve et de l’inconscient

Le titre de sa pièce, SHiNMu, correspond à l’association de deux mots : shin, qui signifie “corps” ou “profond”, et mu, “rêve”. Anan Atoyoma tente de sonder des inconscients individuels et collectifs à travers l’expérimentation de rêves qui émanent directement des corps. Pour elle, les rêves ne sont pas seulement des messagers d’un passé ou de situations particulières, mais ils sont aussi un moyen de créer des mondes nouveaux avec lesquels d’autres relations sont à inventer.

Dans une atmosphère où le blanc domine, la construction de la pièce est tripartite, faisant appel de la même manière à la danse, à la musique et à la scénographie, qui maintiennent du début jusqu’à la fin une écriture cohérente. Qu’ils soient debout ou au sol, les corps évoluent dans des états en opposition, tantôt relâchés ou recroquevillés, fluides ou soumis à des spasmes incontrôlables, tantôt se lovant l’un dans l’autre pour ne former qu’une seule entité. La chorégraphe trace des chemins. Elle dessine un cercle qui aspire le corps vers les profondeurs de l’inconscient, mais dont il peut aussi s’échapper pour se glisser à l’intérieur d’un chemin fait de pierres, balisé et serein. De l’un à l’autre, les corps semblent envahis et secoués par les rêves, puis libérés. Ils repartent alors vers de nouvelles expériences sensorielles.

La musique électro-acoustique suit leurs perturbations et leurs métamorphoses. Non pas de manière redondante, mais jaillissante, violente, parfois confuse et limpide aussi. Intégrant les techniques du numérique, la chorégraphe démultiplie les univers mentaux des danseurs par l’utilisation du video mapping (projection d’animation en 3D) qui donne vie et chair aux fantasmes. La fin est superbe. Elle nous plonge au cœur d’un sol mouvant, aux couleurs changeantes. Telle une terre inconnue qui s’offre à nous pour se transformer au gré de toutes sortes de possibles…

Le travail de cette chorégraphe est une gageure. Parce qu’il ne cède pas à des codes esthétiques attendus sur scène et qu’elle nous fait pénétrer dans le rêve et l’inconscient simplement par la poésie des corps et de la scénographie, nous laissant entrouvrir nos propres fenêtres imaginaires. S’il y a encore à resserrer certains aspects flottants de la danse – qui ne sont pas seulement dus au propos artistique –, il n’en reste pas moins que ce pari de l’étrange est intelligemment et finement accompli.

“Approches et découvertes” : un événement autour de SHiNMu

Dans le cadre de cette création, le centre culturel Charlie-Chaplin organise, en collaboration avec le consulat du Japon à Lyon, une série d’événements constitués d’expositions photo et de dessins, dont ceux réalisés autour de leurs rêves par des enfants après la catastrophe de Fukushima.

Il y aura également des projections de films japonais d’animation et fantastiques au cinéma Les Amphis, des conférences ainsi qu’une rencontre avec le psychiatre lyonnais Marc Zimmermann intitulée “Une brève approche ethnologique et comparative du rêve et de sa fonction” (samedi 12 octobre à 18h30).

SHiNMu, de Anan Atoyoma. Jeudi 10 octobre à 19h30, les 11, 12 et 15 octobre à 20h30, et mercredi 16 à 19h30, au centre culturel Charlie-Chaplin, place de la Nation, à Vaulx-en-Velin.

Programme complet des “Approches et découvertes” sur le site du centre culturel.

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