Après son passage au Péristyle de l’opéra cet été, la Lyonnaise Marine Pellegrini et son Erotic Market viennent présenter au Périscope le projet Boredoms Heartstrings, revisite en mode transfiguration de son album Boredoms revu et corrigé pour un quatuor de chambre. Et véritable coup de maîtresse.
Ceux qui suivent depuis le début la sinueuse carrière de Marine Pellegrini de Bigre en N’Relax et de Polymorphie en Erotic Market savent à quel point la chanteuse et musicienne aime à changer son fusil d’épaule.
Au point d’être parfois parvenue à nous faire croire qu’elle en avait bien plus de deux, faisant régulièrement mentir la fameuse expression d’impuissance : “j’ai pas quatre bras”.
Car rien n’arrête Marine Pellegrini. Même au sein de son projet aujourd’hui principal Erotic Market, dont elle est désormais la seule cheffe de bord, la jeune femme ne s’est jamais résolue à l’immobilisme musical ou à la facilité tactique façon Didier Deschamps.
Avec son complice Lucas Garnier et depuis trois albums en solitaire, elle a ainsi largement ratissé les horizons pop comme R’n’B ou hip-hop, tâté du spoken word ou de l’électro, chacun des albums disponibles sur le marché érotique répondant à l’appel d’une de ces esthétiques tout en creusant parfois le sillon de concepts qui se répondent.
Comme avec la doublette Queendoms, sur le pouvoir et l’empowerment où Marine se fantasme en queen R’n’B, et Boredoms, sur l’ennui – d’être une reine, peut-être.
C’est d’ailleurs probablement moins cet ennui que l’envie de constamment secouer les lignes qui l’ont pourtant conduite à imaginer une revisite absolument sublime de Boredoms – dont elle avait déjà livré une version visuelle très arty – en compagnie d’un quatuor à cordes, le Heartstrings Ensemble. Lequel en se voyant chargé d’habiller de cordes baroco-contemporaines les chansons de la patronne est paradoxalement invité à la mettre à nu, comme s’il s’agissait de doter d’une nouvelle acception le terme “orchestre de chambre”.
Chant trompe-la-mort
Car on a bien ici l’impression d’assister à l’effeuillage de la musicienne et de ses morceaux, rendus méconnaissables par les arrangements mais aussi et surtout à leur essence, loin des artifices beatmakés et chaudards du Boredoms originel. Ici la mutation soul/R’n’B vers la musique de chambre est proprement fascinante tant elle tient de la transfiguration – on la doit aux arrangements fiévreux de Romain Dugelay – jusque dans le chant trompe-la-mort de Marine Pellegrini qui continue à se livrer à des grands 8 vocaux comme d’autres se promènent, mettant à profit sa formation jazz dans une approche d’une subtilité absolue, sans jamais tomber dans la tentation de la démonstration – et pourtant à certains égards c’en est une.
Ici on pense volontiers à Björk, mais sans le côté ramenard et tête à claques donc, mais aussi à quelques-unes des plus fines – et conceptuelles – collaborations entre pop et art chambriste tels le Juliet Letters d’Elvis Costello et du Quatuor Brodsky ou les amitiés parfois pop du Kronos Quartet. Mais c’est au fond rien de ce qu’on a déjà connu avec Erotic Market que nous livrent Marine et son orchestre.
Les morceaux ne sont pas inédits, l’impression qu’ils laissent l’est totalement. Impression sans doute renforcée sur scène. Car si Boredoms Heartstrings a bien été gravé dans le marbre de l’enregistrement, il s’agit surtout d’un projet pensé et taillé pour la scène, là où Marine Pellegrini peut laisser plus encore libre cours à la versatilité de son Erotic Market et à l’expression de ses cordes les plus sensibles.
Erotic Market & Heartstrings Ensemble – Le 24 septembre au Périscope