Concert d'ouverture des Nuits de Fourvière : jubilatoire

L'Orchestra di piazza Vittorio, troupe romaine montée en 2002, prépare ici même sa version personnelle et plutôt décalée de La Flûte enchantée, rien de moins que l'un des opéras les plus populaires, si l'on s'autorise à user du mot, de Mozart. Et, avis au public, il faut s'attendre à entendre reggae, samba, pop, entre deux arias démontés. Qui a peur de la musica di Roma ?

L'histoire romancée d'un orchestre politique, avec l'accent per favore

Quand Mario Stronco, un musicien à la tête aussi bouclée qu'éberluée, apprend que le vieux cinéma Apollo, à Rome, est en passe d'être détruit, il tente de le sauver en l'investissant avec un projet artistique. Une évidence pour un musicien dont les spécialistes de rock indé salueront le passé au sein d'un groupe culte des années 80, Avion Travel. Mario Tronco part alors bille en tête à la recherche de musiciens à Rome, qui auraient la particularité de venir d'un peu partout dans le monde. Des immigrés pour la plupart ; Italiens acceptés bien sûr. On est au début des années 2000, et une montée acide de racisme se traduit par des manifestations dans les rues de Rome et notamment sur la piazza di Vittorio Emanuele, pendant lesquelles on demande à bouter les étrangers hors d'Italie. Malgré ce contexte chaud, Mario Tronco achèvera sa quête épique, se trouvant à la tête d'un groupe composé, entre autres, d'un tapeur de drums indien, d'un chanteur/comédien tunisien et de son cousin, joueur de oud et auteur, d'un bassiste italien, d'un flûtiste et chanteur sublime équatorien, d'une voix sénégalaise... Improbable et, pourtant, solide, en chair et en son, sur une scène pour la première fois en 2002. L'Orchestra tourne désormais partout dans le monde et compte à son actif cinq albums.

A se trancher la gorge

" Tous les musiciens ne peuvent pas vivre uniquement avec l'Orchestra, mais ils ne vivent que de la musique et jouent avec d'autres formations, précise Mario Stronco. On avait obtenu des subventions pour qu'ils soient rémunérés de façon régulière, tous les mois, mais elles nous ont été supprimées cette année. " Les projets ne se sont pas arrêtés pour autant, pas plus que leur ambition n'a diminué.

Pour cette Flûte enchantée très particulière, Mario Stronco n'a pas lésiné sur les coupes, les adaptations, les mélanges et la création originale. Il a invité Petra Magoni, la chanteuse de l'excellent duo italien Musica Nuda, à interpréter la Reine de la Nuit, l'un des rôles principaux de l'opéra qui se cogne deux arias à se trancher la gorge, dont un qui s'imite souvent lorsque l'on veut parodier une diva.

On n'aurait certainement pas parier sur ce projet, néanmoins abouti car cette Flûte enchantée ne donne pas tant à entendre l'opéra de Mozart que la musique malaxée et réjouissante de l'Orchestra. Le mieux est encore d'oublier la pièce classique et de, tout à coup, se laisser surprendre par les arias célèbres de la Reine de la nuit, sortis de l'exceptionnelle gorge de Petra Magoni comme un couplet de Nina Hagen.

En ce qui concerne le cinéma Apollo, Mario Stronco laisse ses bras tomber en disant : 'C'est une histoire typiquement italienne : La Ville de Rome a promis le lieu a tout un tas de gens, et personne n'en n'a jamais vu la couleur. Il reste fermé, et le toit commence à s'affaisser.'

Retrouvez dans le prochain mensuel de Lyon Capitale l'interview de Petra Magoni, invitée par l'Orchestra pour interpréter la Reine de la nuit, et plus d'infos sur le projet artistique. En kiosque dès le 5 juin.

Photo : Loll

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