La révélation world de l’année – Étienne Sevet, bordelais d’origine et lyonnais d’adoption à l’âme colombienne, est avec son groupe The Bongo Hop aux Fêtes escales ce samedi, avant de prendre rendez-vous pour Woodstower à l’autre bout de l’été. Portrait d’un voyageur.
On dit communément que “les voyages forment la jeunesse”, aphorisme attribué à Montaigne dans ses Essais mais qui n’a jamais été formulé ainsi. Ce que voulait Montaigne dans “De l’institution des enfants” (livre premier des Essais), c’était avant tout leur recommander la visite des pays étrangers “pour en rapporter les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’aultrui”, ce qui est un charmant conseil mais n’est malheureusement pas donné à tout le monde. On ne sait pas si Étienne Sevet (aka The Bongo Hop) a tenu à suivre ce conseil édifiant, mais il est fort probable que, sans les voyages qu’il a eu le bonheur d’accomplir, le destin du musicien eût été autre. Au point qu’il n’aurait peut-être pas été musicien du tout. C’est donc l’histoire d’un jeune Bordelais qui atterrit à Lyon, il y a une vingtaine d’années, pour des études à Sciences Po et qui, après un master Projets culturels, travaille pour une compagnie de danse à Paris puis devient journaliste – un peu par hasard puisque, mordu de foot, il se met à piger pour un jeune magazine baptisé So Foot.
Calicutta
Une autre passion, celle des musiques sud-américaines et afro-caribéennes, le conduit dans le même mouvement à réaliser un documentaire sur le chanteur Héctor Lavoe, pour lequel il se rend en Colombie. Il n’en bougera plus pendant plusieurs années. Rien encore ne le destine pourtant à la musique. À Cali, Étienne Sevet est prof pour l’Alliance française en 2005 puis donne à la fac des cours de sciences politiques dont l’intitulé (Globalisation et développement, Institutions politiques et groupes de pression) étonne dans un tel pays. Mais il en profite aussi pour assouvir sa curiosité musicale – musique électronique colombienne, musique traditionnelle du Pacifique colombien, musiques ouest-africaines – et commence, tout en écrivant pour le tout neuf magazine World Sound (dont il devient le correspondant pour l’Amérique du Sud), à mixer dans des soirées qu’il ne tarde pas à baptiser Calicutta. Là, il fait une rencontre décisive en la personne d’un certain Will Holland, producteur anglais plus connu sous le nom de Quantic, qui le prend sous son aile et sur lequel il se met à écrire. Quantic le pousse à faire lui-même de la musique. Avec un Mac et quelques logiciels, il se met alors à bidouiller des sons, des beats, des basses.
Satingarona
Entretemps, lors d’un séjour en France, il a récupéré la trompette sur laquelle il s’était un temps échiné plus jeune. Il s’y remet frénétiquement. Pour quelqu’un qui ne se pensait pas musicien, le destin commence à sérieusement se tordre. De retour en France en 2010, ce touche-à-tout se met à l’urbanisme mais n’abandonne toujours pas la musique. Une nouvelle rencontre l’en aurait de toute façon empêché. Celle du producteur lyonnais Bruno Patchworks, qui le pousse encore un peu plus. De hobby, la musique devient une chose sérieuse. Ensemble, ils enregistrent et de fil en aiguille naît un disque, qu’Étienne Sevet baptisera Satingarona Part.1 (concentration des noms des fleuves Satinga et Garonne), un carnet de voyage musical nourri de toutes ses expériences et influences, sud-américaines et afro-caribéennes, et surtout un disque de danse. The Bongo Hop est né ; il se compose d’amis colombiens (comme Nidia Gongora et Maikcel sur le disque, Olivier Granger, Rémy Kaprielan, Paul Charnay et Paola Barreto pour le live). La sauce – la salsa, dirait-on en colombien, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici – prend immédiatement. Le groupe est soutenu et/ou accueilli en résidence par de nombreux lieux à Lyon, le disque fait l’unanimité et s’invite dans les playlists de radios prestigieuses comme Nova ou Fip, et le groupe commence à tourner de plus en plus intensément, retrouvant par là une autre manière de voyager et ainsi de confronter les humeurs ramenées du bout du monde à d’autres, plus locales. Mais, pour The Bongo Hop, ce n’est que le début du voyage.