Révélée au public lyonnais il y a presque deux ans sur la scène de l’Opéra Underground, la folkeuse québécoise Myriam Gendron revient ensorceler le Sonic de ses mélopées sans âge. Au programme, notamment, son troisième album, le merveilleux Mayday, digne successeur du précédent, Ma Délire, dans une sorte d’alternance d’ombres de passé et de lumière du jour présent. À découvrir absolument.
Par les temps qui courent, le folk n’est pas le genre le plus porteur qui soit. Le folk tel que le joue Myriam Gendron encore moins : un folk comme d’un autre âge, ou plus précisément sans âge, à la texture parfois quasi médiévale et à la démarche lancinante aux propriétés largement enivrantes.
Le premier essai de la musicienne et libraire originaire de Gatineau (Québec) était un album mettant en musique la poésie de Dorothy Parker, autrice, dramaturge et critique new-yorkaise qui sera de l’aventure de la création de The New Yorker. Adossées l’une à l’autre, la musique gracile et minimaliste de la Gendron et la poésie de Dorothy finissaient par accoucher d’une troisième voie absolument sublime et bien plus forte que la somme de ses parties.
En 2021, la Québécoise revenait avec Ma Délire - Songs of love, lost & found qui mêlait, parfois au sein du même morceau, compositions originales et incunables traditionnels. Depuis la nuit des temps, le folk avance sur cette dialectique qui donne à chacun des interprètes de morceaux ancestraux un statut d’auteur à part entière.
Mais Myriam Gendron apporte à cette alchimie quelque chose de plus, de l’ordre du brouillage de pistes et du dépassement, quelque chose comme un précipité de passé et de présent, comme une manière de boucle sans fin entre la source et la mer. C’est Ma Délire, véritable talisman folk dont la modernité réside justement dans ce pétrissage du passé jamais réactionnaire, qui fit connaître Myriam Gendron au-delà des frontières. Depuis, bien des choses se sont passées pour la jeune femme : elle a perdu sa mère puis enfanté une fille.
On ne sait guère dans quel ordre mais les deux événements nourrissent son troisième disque : Mayday, dont le titre peut signifier “au secours” mais aussi le 1er mai et donc une forme de printemps.
Le disque s’ouvre sur un instrumental chiadé qui confirme le refus de toute geste commerciale mais un véritable asservissement à la beauté. Toujours minimaliste, Mayday se fait pourtant volontiers mélodique (même si doucement électrique). Myriam Gendron y a convoqué quelques pointures du folk américain, le batteur Jim White (véritable légende underground que ce soit en solo ou comme musicien de complément) ou le guitariste expérimental (Steve Gunn, Thurston Moore) Bill Nace.
Souvent d’une noirceur et d’une tristesse abyssales, volontiers soumises à une forme de dérèglement, comme sur Terres Brûlées, La Belle Françoise (traditionnel québécois en hommage à sa mère) ou Quand j’étais jeune et belle (une jeune femme y raconte comment, en une nuit, elle a brisé le cœur d’un homme pour s’en vouloir toute sa vie), Mayday laisse aussi beaucoup entrer la lumière et ce subtil contraste finit par agir comme la Dreamachine de l’artiste et poète beat Brion Gysin, à force de voir tournoyer ce ballet de lumière et de ténèbres, on finit littéralement hypnotisé.
Myriam Gendron –Le 15 novembre au Sonic