Le pianiste Pierre-Laurent Aimard © Marco Borggreve
Le pianiste Pierre-Laurent Aimard © Marco Borggreve

Concert : Variations Aimard à l’Auditorium

Quand un symbole de la littérature pour clavier du XVIIIe rencontre l’un des plus grands pianistes français, spécialiste des musiques de notre temps, la raison voudrait qu’on s’y intéresse de près. Rendez-vous donc dimanche à l’Auditorium pour les Variations Goldberg de Bach par Pierre-Laurent Aimard.

Quand, en 1741, Bach publie ses Variations Goldberg (BWV 988), il ne se doute pas que cette “aria avec différentes variations à deux claviers” deviendra un jour un véritable hit du répertoire pour piano. Deux claviers ? C’est que le clavecin sur lequel – et pour lequel – Bach compose la trentaine de variations sur l’aria est effectivement doté de deux claviers superposés (comme un orgue) permettant toutes sortes de croisements de voix, bien plus compliqués à réaliser sur un piano d’aujourd’hui – qui comme chacun sait possède un seul clavier. Il n’en demeure pas moins que l’œuvre, qui selon la légende fut composée à l’intention du comte Keyserling étant destinée à lui être jouée par son claveciniste particulier âgé de 14 ans seulement, relevait déjà à l’époque et sur un instrument à deux claviers du challenge !

Monument, défi, bijou

Si l’on ajoute à la complexité d’exécution de l’œuvre – notamment au piano, où les deux mains sont amenées à se croiser, voire les doigts à s’entrelacer – la rigueur du contrepoint et la variété de registre des différentes variations (fugues, canons, chorals ornés…), on réalise bien vite à quel monument les interprètes se voient confrontés. D’autant qu’au-delà du défi technique la musicalité et une conduite des voix au cordeau sont un préalable à toute velléité.

Petit bijou de complexité architecturale, le cycle de variations n’en demeure pas moins un voyage où chaque ligne de basse, thème ou mélodie secondaire touche au plus sensible sans jamais de redondances ni de sentiment de lassitude. Jusqu’à l’humour y est présent quand la 30e variation superpose et combine avec fantaisie plusieurs thèmes populaires à l’aide d’un contrepoint virtuose.

De Gould à Aimard

Une telle puissance expressive n’est pas anodine et nulle surprise qu’au sein de la pléthorique littérature pour clavier de l’ère baroque tant de pianistes modernes se soient réapproprié les Variations Goldberg. Les deux versions de référence gravées par Glenn Gould au disque (en 1955 et 1981) attestent, par la différence dans les partis pris mobilisés par le pianiste anglais, du bon usage du spécimen à clavier unique pourvu que l’inventivité de l’interprète et la juste lecture de la partition réussissent à tirer profit de ses qualités intrinsèques (la possibilité de grandes nuances, notamment).

On connaissait Pierre-Laurent Aimard pour sa défense du répertoire contemporain, registre dans lequel il s’est illustré comme l’un des plus grands de notre temps. Ses qualités analytiques mais également son expressivité et une certaine ascèse permettant à la musique de parler d’elle-même semblent le prédestiner au succès dans un tel répertoire. Ses précédents enregistrements de Bach le confirment…


Variations Goldberg – Dimanche 3 février à 16h à l’Auditorium


[Article publié dans Lyon Capitale n°784 – Janvier 2019]

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