Chef d’orchestre adulé, compositeur souvent boudé, Pierre Boulez demeure le grand manitou de la musique contemporaine française de la seconde moitié du XXe siècle. En novembre, le CNSMD de Lyon consacre au fondateur de l’Ircam et de l’Ensemble intercontemporain un cycle de cinq concerts – dont un à l’Auditorium – avec au programme du Boulez mais pas que…
Personnage phare au pédigrée impressionnant, Pierre Boulez a dominé le paysage musical institutionnel français durant près d’un demi-siècle, multipliant – voire s’accaparant – les casquettes.
Si ses talents indéniables dans le domaine de la direction d’orchestre lui assurent une légitimité considérable, il est également titulaire de la chaire Invention, technique et langage en musique au Collège de France de 1978 à 1995.
En tant que chef d’orchestre, et bien que spécialisé dans la musique de son temps à la tête de son Ensemble intercontemporain, son répertoire ratisse large. Du XXe siècle français qu’il défend mieux que quiconque jusqu’au “grand” romantisme (Mahler, Bruckner, Wagner…), Boulez sait tout faire – avec à chaque fois cette vision puissante et analytique des œuvres qui l’amène à diriger les plus grandes formations et à devenir directeur musical des orchestres symphoniques de la BBC, de New York ou de Chicago.
Boulez sait tout faire – avec à chaque fois cette vision puissante et analytique des œuvres qui l’amène à diriger les plus grandes formations
Côté compositions, c’est plus compliqué (et c’est le cas de le dire). Adepte d’un langage pour le moins avant-gardiste, sa musique est d’une très grande complexité, empreinte de sérialisme et de mécanismes aléatoires, ce qui ne la met pas à portée de toutes les oreilles… Conceptuelle, iconoclaste, s’affranchissant des codes tonaux et rythmiques, elle choque et dérange lorsque le personnage fascine par sa radicalité et ses vues polémiques sur l’évolution de la musique.
Sur le versant “politique”, son influence est colossale et on ne refuse rien à ce quasi-lobbyiste à qui l’on débloque des budgets considérables à destination de l’Ensemble intercontemporain, l’Ircam, la Cité de la musique ou la Philharmonie de Paris…
Rouler Boulez !
Plutôt que de consacrer une semaine de concerts à la seule œuvre du compositeur, le CNSMD de Lyon a préféré proposer une programmation variée labellisée Autour de Boulez.
L’orchestre symphonique du Conservatoire national supérieur de musique se fendra tout de même d’une de ses œuvres phares, sur la scène de l’Auditorium : Rituel in memoriam Bruno Maderna. Composée à la mémoire de son ami compositeur Bruno Maderna, Rituel n’est pas la plus “ardue” des œuvres de Boulez malgré son caractère conceptuel – la structure tonale de la pièce est basée sur sept notes correspondant aux sept lettres du nom “Maderna”.
En complément de programme, c’est Le Sacre du printemps de Stravinsky – œuvre emblématique du Boulez-chef d’orchestre – qui sera interprété sous la direction de Jurjen Hempel.
Les quatre autres représentations de ce cycle consacré à Boulez prendront la forme de concerts thématiques mettant ses compositions au second plan. Le premier des programmes sera consacré à “La Flûte dans l’imaginaire Boulézien” (Debussy, Varèse, Messiaen, Jolivet…) tandis qu’un deuxième ira piocher dans la musique spéculative du Moyen Âge à l’époque baroque (Dufay, Gesualdo, Bach…). Les deux derniers programmes seront respectivement entièrement voués à la musique pour orgue (Bach, Webern, Amy, Messiaen) et au “piano boulézien” ce qui, dans le cadre du dernier, fournira un aperçu d’une œuvre radicalement abstraite et théorique qui rompt avec les anciens codes du répertoire pianistique.
À noter que toutes les représentations seront gratuites (sur réservation).
Boulez, Rituel – Mercredi 10 novembre à 20 h à l’Auditorium – www.auditorium-lyon.com
Autour de Pierre Boulez – Du lundi 15 au mercredi 17 novembre au CNSMD de Lyon www.cnsmd-lyon.fr