Hasard des calendriers, on se retrouve (quasi) chaque année avec une même grande œuvre programmée à quelques jours d’intervalle dans deux salles lyonnaises. L’occasion d’un match entre deux équipes (ici orchestres) qui font l’objet de pronostics et comparatifs. Cette année, c’est le Messie. Et les compétiteurs Robert King et Sébastien d’Hérin.
Décembre de l’an zéro. La grossesse de Marie arrive à terme. Rois de tous les horizons et animaux domestiques seront bientôt mobilisés en l’honneur et en vue de la protection de l’incarnation. Car le Messie, c’est bien entendu ce bébé baptisé Jésus, fruit de l’“immaculée conception”… Célébré à toutes les sauces, peintres et musiciens lui consacreront leurs plus belles créations.
Fresque lumineuse pleine de tubes
En 1741, Georg Friedrich Haendel compose ce qui restera le chef-d’œuvre du genre oratorio : Messiah. Cet opéra sacré, écrit et interprété à l’origine pour Pâques, deviendra avec le temps – et la tradition – une œuvre de l’Avent (période qui précède la fête de Noël). Le livret se concentre sur la résurrection du Messie et sur la rédemption qu’elle opère. Après vingt-quatre jours seulement de composition, Haendel accouche d’un des plus gros “hits” du baroque, une fresque lumineuse et positive dont chaque mouvement constitue un tube à lui seul ! Du célébrissime Alleluia à la profusion de chœurs fugués (And the glory of the Lord, And we shall purify, For unto us a child is born, Glory to God, His yoke is easy, He trusted in God…), habiles et virtuoses, rythme et cadence sont au rendez-vous au point que malgré plus de deux heures de bondieuseries archiconnues, on ne s’ennuie pas une seconde. C’est la grande force du Messie et certainement la raison pour laquelle on le retrouve au moins deux fois par an au programme des saisons musicales lyonnaises. 2017 ne déroge pas à la règle et les “hasards” du calendrier (certes grégorien) nous voient cette année proposer deux Messie deux jours d’affilée !
Deux pour un
Le “clash” débute ce jeudi avec la version anglaise du King’s Consort de Robert King qui, avec bientôt quarante ans d’expérience de la musique baroque sur instruments historiques, présente de sérieux arguments. Face à cette solide concurrence, vendredi, ce sera au tour des Français de défendre – dans la langue de Shakespeare, certes, mais avec l’avantage de jouer à domicile – leur vision du Messie. C’est à l’excellent ensemble Les Nouveaux Caractères et son chef Sébastien d’Hérin que revient l’honneur de porter les couleurs au service de l’Anglois et de lire entre les lignes de son Alleluia, le tout en compagnie d’Accentus, le chœur fondé en 1991 par Laurence Équilbey. Quant à savoir de ce duel qui l’emportera, deux choses sont sûres : un seul et unique Sauveur ressuscitera tandis que l’intégralité des spectateurs quittera la salle en fredonnant les quatre syllabes du chœur le plus célèbre de l’ère baroque.