Bach, toujours bien servi à la chapelle de la Trinité, est de nouveau à l’honneur ces jours-ci, avec un florilège de cantates parmi les plus brillantes qu’il ait composées… et une Passion en prime !
Au cours de sa vie, Jean-Sébastien Bach composa plus de trois cents cantates, soit de quoi assurer cinq années complètes de cycles liturgiques. Un corpus considérable, sans faux pas, mais au sein duquel chacun peut tout de même isoler quelques pièces pour leur singularité. C’est le cas de l’ensemble Vox Luminis qui, dans un magnifique opus paru en 2016 sur le label Alpha, a décidé de se concentrer sur quelques-unes, composées très tôt (à partir de 1707), à l’époque où Bach était organiste à Mühlhausen.
Des bases et des délices
Ces “cantates de jeunesse” d’un Bach qui doit encore “faire ses preuves” posent les bases d’une forme qu’il renouvellera au fil du temps, s’inspirant par la suite du style italien et de sa dramaturgie. Des bases qui, au commencement, témoignent d’une écriture ancrée dans l’héritage polyphonique de la Renaissance. Contrepoint serré, mouvements fugués, certaines de ces cantates font même appel – dans leur instrumentation notamment – à des archaïsmes pour l’époque. C’est le cas du célèbre Actus Tragicus (BWV 106) mobilisant flûtes à bec et violes de gambe, instruments jugés désuets en ce début de XVIIIe siècle. Bach en tire pourtant des couleurs nouvelles, comme dans la sonatina introductive où les intervalles au demi-ton entre les deux flûtes produisent des dissonances d’une grande modernité. Plus tard, dans le mouvement central Es ist der alte Bund, le maître use d’un artifice qui fait mouche quand, au beau milieu d’un chœur fugué (à l’ancienne) souligné par les violes de gambe, émerge la voix soliste de soprano qui plane au-dessus du contrepoint tel un ange… Le reste de la cantate est également de toute beauté. Un pur délice !
Envoûtant Vox
Composées à Mülhausen elles aussi, les cantates BWV 131 et 150 font toutes deux intervenir des effectifs instrumentaux réduits et laissent s’exprimer une écriture polyphonique dense et contrapunctique. Là encore, l’ensemble Vox Luminis tire son épingle du jeu grâce à une interprétation à la fois méticuleuse et envoûtante.
Dans Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen (Les pleurs et les lamentations, les tourments et le découragement, BWV 12), on assiste à un épaississement en termes de “matière” instrumentale. Et pour cause. La cantate a été écrite en 1714, soit sept ans plus tard, à Weimar. L’écriture évolue aussi, parodiant Vivaldi dans le premier chœur empruntant une forme de passacaille et portant la dramaturgie à des sommets – Bach recyclera plus tard ce mouvement pour le Crucifixus de la Messe en si mineur.
La Passion des jeunes
Léger bond dans le temps. Nous voilà en 1724, Bach est désormais cantor à Saint-Thomas de Leipzig, où il compose sa première Passion (selon saint Jean). Apogée d’une très ancienne tradition remontant au Moyen Âge qui consiste à chanter la Passion du Christ pour la semaine sainte, l’exercice prend sous la plume de Bach un tour de “super cantate”, enchaînant chœurs, airs et récitatifs de l’évangéliste Jean : un péplum musical de deux heures au rythme enlevé faisant intervenir quelques personnages fascinants (Jésus, l’apôtre Pierre, Ponce Pilate…) mais également la foule en délire incarnée par le chœur. Bref, tout le monde connaît l’histoire, ça ne se termine pas très bien…
Toujours à la chapelle de la Trinité, ce concert s’inscrit dans la saison des Grands Concerts dans le cadre d’un partenariat annuel avec le département Musique ancienne du CNSMD de Lyon. Bien que faisant intervenir de jeunes interprètes et chanteurs en cours de formation, ces productions témoignent toujours d’un travail minutieux encadré par des professeurs-interprètes expérimentés. Les spectateurs bénéficient pour l’occasion d’un tarif spécial (12 €), à même de persuader les plus hésitants.