Coriolan au Studio 24 : le fils de sa mère

Si le directeur du TNP a là versé dans l'autocongratulation ampoulée, la chorégraphie qu'il organise sur scène pour raconter le guerrier Coriolan ne souffre heureusement pas de cette emphase et constitue, en effet, un moment de théâtre réussi. Tout commence par un premier tableau assez statique, dans lequel Schiaretti jette sur scène une bonne partie de sa horde de trente comédiens, composant les tribuns de la plèbe qui réclament aux délégués patriciens du blé, du pain, de la Justice... C'est la crise. D'autant plus que Rome est en guerre contre les Volsques. Ceux-là essuieront un violent revers face à Caius Marcius, patricien romain méritant mais, il faut bien le dire, un peu psychorigide dès qu'il s'agit de mettre de côté ses probes mais présomptueuses ambitions de gestionnaire. C'est à partir de là que la pièce s'accélère, Schiaretti choisissant sans originalité mais avec beaucoup de rigueur de monter un ballet d'étendards, pour simuler les combats des clans. Tout est minuté, le rythme est excellent, mais c'est seulement à partir de l'exploit de Caius Marcius à Coriole (qui lui vaudra son surnom hagiographique de Coriolan), que la machine semble enfin démarrer. La cadence imposée aux acteurs fait enfin exploser la rigidité morale de Coriolan, incarné de façon très séductrice par Wladimir Yordanoff. Alors que tous, sa mère, le sénateur Ménénius Agrippa, le poussent à jouer le jeu de la parade, Coriolan refuse de faire des ronds de jambe devant le peuple romain qui attend, de tradition, des promesses du futur consul avant de l'élire. Condamné à l'exil par un peuple insatisfait et manipulé, Coriolan s'allie aux Volsques pour se venger de Rome l'ingrate.

Celle qui enfanta et tua Coriolan
Un changement de casting apporte un souffle nouveau et revigorant à l'ensemble du jeu scénique, Veturia, mère de Coriolan, étant désormais jouée par une époustouflante Hélène Vincent, en remplacement de Nada Strancar. Ses solos en mouvements virevoltants, sans cesse accompagnés par une meute de personnages serviles, dégagent une puissance progressive assez étonnante. L'ensemble de la pièce ne semble d'ailleurs tendre que vers cet ultime face-à-face, où Veturia finit par convaincre son fils d'être clément, et de ne pas marcher sur Rome qui l'a banni sans mesure. Attendri par cette femme qui mène en réalité la danse sur la scène politique mais aussi sur celle du théâtre, Coriolan provoque la colère des Volsques et signe là son arrêt de mort. Hélène Vincent se fend d'un one-woman show fantasque, dans lequel elle alterne brillamment les supplications et les insultes. Ce duo amoureux mère-fils, très tendu, crée le bon équilibre entre l'intime psychologique et le politique universel de la pièce de Shakespeare, dont les considérations sur la démocratie républicaine et, par conséquent, sur la place de la plèbe dans la gestion sociale laissent songeurs.

Coriolan. Du 28 janvier au 31 janvier et du 1er au 7 février (relâche le 2) au Studio 24, 24 rue Emile-Decorps, à Villeurbanne.
Tél. 04 78 03 30 00.

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