Critique de Jobs : iSimplification aseptisée

Inventeur de génie pour certains, mégalomane obsédé par le contrôle pour d’autres, Steve Jobs n’a laissé personne indifférent. Forcément, l’annonce de deux films consacrés à sa vie ne pouvait qu’interpeller. Premier à arriver sur nos écrans, Jobs s’intéresse à la vie du patron d’Apple de ses débuts dans un garage jusqu’au lancement de l’iPod. Alors que le potentiel de faire une histoire passionnante était bien là, le film déçoit du début à la fin. Que l’on aime ou que l’on déteste Steve Jobs, il ne fait aucun doute qu’il méritait mieux que cela.

Avec des millions de produits Apple vendus à travers le monde entier, les studios hollywoodiens ne pouvaient pas laisser passer le filon du biopic sur la vie de Steve Jobs. Alors que Sony travaille de son côté sur un projet avec Steve Wozniak, l’autre père d’Apple, voici que débarque un projet indépendant réalisé par Joshua Michael Stern. A priori déconnecté de toutes pressions extérieures, on aurait pu penser que cette vision d’auteur briserait les barrières pour livrer une biographie fidèle et intelligente. Il n’en sera rien. Dès les premiers instants, quelque chose cloche dans Jobs.

L'iSimplification

Terriblement aseptisé, le film simplifie à outrance l’histoire d’Apple, ainsi que le parcours de Steve Jobs, lui attribuant certains mérites qui reviennent à ses associés. Usant de raccourcis faciles pour placer l’ancien patron de la firme à la pomme sur un piédestal, le scénario s’enlise dans les détails inutiles et oublie de coller à la réalité. On connaissait les adaptations romancées, place à celle qui réécrit l’histoire.

Ici, fiction et fantasmes prédominent sur les faits. Dès lors, difficile de ne pas penser à l’excellent téléfilm Les Pirates de la Silicon Valley qui, bien que sorti en 1999, s’impose toujours comme l’une des meilleures adaptations sur les débuts d’Apple mais aussi sur l’affrontement qui opposa Steve Jobs à Bill Gates, patron de Microsoft. Un aspect majeur quasiment inexistant dans Jobs, ce qui renforce l’impression que le film passe à côté de son sujet.

Un casting impliqué

Le fond décevant n’est à aucun moment sauvé par la forme, qui l’est tout autant. La réalisation peu inspirée est digne d’un mauvais téléfilm allemand du mercredi après-midi. Heureusement, le casting, visiblement impliqué dans le projet et soucieux de bien faire, rattrape un peu la catastrophe générale.

Dans le rôle-titre, Ashton Kutcher met clairement du cœur, quitte à en faire un peu trop. L’acteur respire la passion pour le patron d’Apple et fait tout pour lui rendre hommage à sa manière. Cependant, toutes les bonnes intentions du monde ne permettront pas de gommer un scénario mauvais à l’origine. Jobs aurait mérité le traitement accordé à Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook, dans The Social Network. Il faudra se contenter d’une fan fiction (histoire de fan).

Verdict

Film aseptisé passant à côté de son sujet, Jobs préfère gommer de nombreux aspects de la vie de l’ancien patron d’Apple tout en lui attribuant certains mérites qui reviennent à ses anciens collaborateurs. Difficile d’adhérer à cette vision aux allures de relecture historique. En attendant le prochain film consacré à Steve Jobs, la biographie officielle écrite par Walter Isaacson et l'ouvrage Inside Apple, du journaliste Adam Lashinsky, restent les moyens le plus intéressants pour découvrir le personnage, et Les Pirates de la Silicon Valley une référence, faute de véritable concurrence.

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Jobs, de Joshua Michael Stern, avec Ashton Kutcher et Dermot Mulroney, 2h07. Sortie en salles le 21 août ?

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