Pendant le reconfinement, les théâtres publics ont maintenu une activité, de répétitions et de création, avant de pouvoir retrouver leur public à partir du 15 décembre.
Show must go on ! C’est sans doute ce que se sont dit les différentes équipes à la tête de nos institutions théâtrales. Mais il n’était pas question de transgresser les directives de ce deuxième confinement, interdisant toute représentation publique. L’adaptation au couvre-feu avait été difficile mais possible grâce à un public demandeur, prêt à venir au théâtre en fin d’après-midi ou en début de soirée. Las, le deuxième confinement a douché les espoirs des artistes souhaitant continuer à jouer. Le spectacle vivant et les livres ont été considérés comme ne relevant pas de nos besoins essentiels… Qu’on le veuille ou non.
Chevaucher le tigre !
Si nombre de cafés-théâtres (comme l’Espace Gerson) et de salles privées (la Comédie-Odéon) ont dû fermer leurs portes dans l’espoir d’éviter de devoir mettre la clé dessous, les théâtres publics ont décidé de maintenir une activité, de répétitions et de création. Afin que les artistes continuent d’inventer, de s’exprimer entre eux, avant de pouvoir retrouver leur public... Une façon de “chevaucher le tigre”, comme Emmanuel Macron avait incité les acteurs culturels à le faire.
“Le tigre, on est dessus !”, nous a d’ailleurs déclaré Stéphane Bernard, comédien qui travaille avec Véronique Bettencourt au théâtre de la Renaissance sur Le Funambule, une création théâtrale qui aurait dû être jouée du 17 au 21 novembre.
Tous les jours, ils se rendent au théâtre avec leur équipe de comédiens, danseurs et techniciens. Le spectacle prend forme dans une ambiance qui leur permet, un temps, d’oublier le contexte anxiogène. De se projeter.
D’autant qu’une captation filmée a été tournée devant quelques rares spectateurs privilégiés pour être visible sur le site du théâtre. En attendant que la pièce soit jouée fin janvier à la Renaissance. L’occasion de voir cette adaptation théâtrale, et vidéo, d’un texte en prose écrit en 1955 par Jean Genet pour Abdallah, son grand amour du moment. À la fois essai sur l’art et poème adressé à un jeune apprenti acrobate, il y est question de la place de l’artiste dans le monde, de l’engagement jusqu’à la mort – sans cesse risquée par le funambule. Magnifique travail, si l’on en juge par le bout de répétition que l’on a pu voir.
L’ivresse plutôt que la Covid !
Au TNP, après que le nouveau patron, Jean Bellorini, a enfin pu jouer son spectacle Le Jeu des ombres, lors de la Semaine d’Art en Avignon – in extremis avant annulation ! –, il travaille avec toute son équipe à une nouvelle création.
Quant aux Célestins, le théâtre aurait dû accueillir début octobre les représentations d’Ivres, une pièce du sulfureux dramaturge russe contemporain, Ivan Viripaev, mise en scène par la jeune et talentueuse Ambre Kahan. Annulé aussi !
Cependant, la troupe a pu investir les lieux, répéter, et même proposer une manière de répétition publique, accessible à une trentaine de personnes, triées sur le volet, comprenant journalistes, programmateurs et professionnels. Curieuse ambiance !
La metteuse en scène a brièvement pris la parole avant de lancer la représentation. Elle a expliqué son émotion de jouer enfin devant un public, aussi limité soit-il. Les difficultés rencontrées, les annulations qui tombent… Et surtout l’obligation de s’adapter aux contraintes, les tests à faire régulièrement, dont un positif et un cas contact dans la troupe. Qui font que ce qui sera montré n’est qu’une partie du spectacle à venir. Mais c’était déjà suffisant pour en apprécier la qualité, la force dramaturgique. Ivres, comme le titre l’indique, évoque l’ivresse, l’ivresse alcoolique, entre autres. Mais surtout la vérité qu’elle dévoile. On est touché par la quête amoureuse, insatiable, toujours inassouvie, que poursuivent les jeunes hommes et les jeunes femmes qu’Ivan Viripaev dépeint dans une succession de tableaux admirablement conçus et portés par une musique… enivrante. Le spectacle sera repris durant la saison 2021-2022. Il faudra être patient
• Le Funambule, du 19 au 23 janvier au théâtre de la Renaissance, captation filmée sur le site du théâtre
• Ivres, aux Célestins, saison 2021-2022.