Ce vendredi et pour 24 heures, les danseurs de la compagnie d’Annick Charlot investissent des lieux publics de la ville pour dérouler une fiction dansée sous la forme d’un feuilleton interactif. Une première à Lyon !
Journal d’un seul jour est le titre de cet événement dont on a pu voir en avant-première quelques extraits dans les escaliers roulants de la gare de la Part-Dieu et sur son parvis. Les images et les sensations générées par le travail de la chorégraphe Annick Charlot sont très émouvantes. Elles laissent présager une belle rencontre entre les “spectateurs” et les personnages de chacun de ces spectacles/feuilleton qui constituent un carnet de rendez-vous de trois personnages (un homme et deux femmes) avec la ville.
Ils ne se connaissent pas, ils vont errer, se croiser et se laisser porter par une tragédie amoureuse en différents lieux : la gare de la Part-Dieu, un centre commercial, un commissariat, un foyer d’hébergement d’urgence, une rue, le bord d’un fleuve...
Journal d’un seul jour est une chronique en 24 événements : 8 épisodes chorégraphiques, 7 séquences filmées, 9 “actualités numériques” (texto, photo, appel, signal sur la cartographie en ligne...).
Le public sera convoqué (pour s’inscrire cliquer ici) pour se rendre sur les différents lieux du drame à une heure précise. Entre chaque épisode, il recevra des vidéos via une application mobile et Internet qui relateront d’autres moments de l’histoire.
Annick Charlot, qui milite pour l’appropriation des espaces publics par les artistes et par les citoyens au travers de l’art, travaille sur ce projet depuis trois ans, avec la recherche de la liberté comme fil conducteur.
“Mon personnage va se retrouver dans un bivouac, en haut de la bibliothèque de la Part-Dieu, puis d’une autre manière sur un port, annonce-t-elle. Durant ces 24 heures, nous serons tous sur des lieux différents de la ville. La première liberté a été de convaincre et d’argumenter, face aux contraintes de la réglementation, que l’on peut danser dans ces lieux qui a priori ne sont pas faits pour ça. S’emparer de l’espace public pour soi mais aussi pour les citoyens et qu’ils les redécouvrent d’une autre manière. Aller contre l’interdit est une liberté qui se gagne en tant qu’artiste mais pas seulement. On est dans une sorte de subversion purement poétique qui devient aussi celle du public.”
Découvrir d’autres histoires à partir d’une seule
Pour la chorégraphe, Journal d’un seul jour est le pari d’un récit qui garde sa dimension artistique alors même que la danse est un langage abstrait. Ce qui l’intéresse, c’est tout l’imaginaire que peut provoquer la simple vision des danseurs dans l’espace, amenant le public à voir des choses qui n’existent pas dans le récit principal.
“Pour le spectateur, précise-t-elle, il y a un moment où il est évident que le couple qu’il voit par exemple sur l’Escalator de la gare, c’est une fiction. Mais cet endroit se transforme en un espace de rêve qui va lui permettre de voir que tout ce qui est autour devient aussi de la fiction. Des gens qui passent, qui trimballent des histoires intimes et tout d’un coup, il se met à regarder la réalité, à voir ce qu’il y a autour de lui avec plus d’attention qu’auparavant. Moi aussi, quand je marche dans la rue, je ne vois pas les gens, ni leurs souffrances ou leurs joies potentielles, leurs rêves, leurs désirs et ce que j’espère c’est que cela amène un regard plus profond et qui prend le temps. Dans la vie, il y a des récits et des intimités partout. Je cherche une sorte de transfiguration du quotidien avec ce qu’il y a de plus banal et invisible pour lui redonner de l’épaisseur et de la sensibilité.”
Annick Charlot cherche encore autre chose. Ce qui peut se jouer, par exemple dans la gare, comme chorégraphie naturelle. Car c’est un lieu avec une dramaturgie naturelle, des flux de gens qui avancent ou stagnent. L’aléatoire fabrique une écriture avec des relations d’espaces, de gestes, de mouvements invisibles qu’elle espère offrir ici.
“Ce qui m’intéresse, c’est d’infiltrer tous les micro-mouvements naturels, que chaque lieu soit une micro-histoire avec une écriture chorégraphique qui permette de garder visible ce qu’il se passe à l’extérieur et que cela ne s’arrête pas parce que nous sommes là.”