Cantique des cantiques Lagraa portrait
© Dan Aucante

Danse : Abou Lagraa ose le Cantique

Le chorégraphe Abou Lagraa s’associe avec un metteur en scène sans concession, Mikaël Serre. Une première dans son parcours chorégraphique.
 Le pari est osé. Lyon Capitale a assisté cet été à une répétition du Cantique des cantiques donné cette semaine à la Maison de la danse. Rencontre.

Abou Lagraa pendant les répétitions du Cantique des cantiques © Dan Aucante

© Dan Aucante
Abou Lagraa pendant les répétitions du Cantique des cantiques

Avec le Cantique des cantiques, Abou Lagraa veut revenir à son écriture originelle – celle de Nuit blanche et Cutting Flat, sans mélange des genres ni hip-hop, avec des danseurs de haut niveau, moins nombreux et capables de s’investir auprès de lui. Le virage est pris aussi avec cette décision de créer à partir d’un texte* et avec un metteur en scène impliqué dans la structure narrative.

* Le Poème – Traduction du Cantique des cantiques, par Olivier Cadiot et Michel Berder, éditions Bayard.

“Je me demande s’il est vraiment nécessaire de rester dans l’abstraction, comme je l’ai fait jusqu’à présent, pour créer, nous a confié Abou Lagraa lors des répétitions, cet été, au théâtre d’Annonay. Je trouve plus enrichissant de chorégraphier à partir d’un texte, avec la chronologie d’une narration. Cela m’aide à m’exprimer de manière plus profonde. Mais ce n’est pas facile non plus. Il faut faire en sorte que la danse ne disparaisse pas, tout en laissant la place à la beauté de la parole. Et ce n’est pas du théâtre non plus, même s’il y a deux comédiennes.”

Sensualité, sexualité... et spiritualité !

Le Cantique des cantiques, chorégraphie d’Abou Lagraa (photo de répétition) © Dan Aucante

© Dan Aucante
Le Cantique des cantiques, chorégraphie d’Abou Lagraa (photo de répétition).

Conçue comme la première d’un cycle de trois, cette création interroge l’identité sexuelle et la place de la femme dans la société. Des thèmes que le chorégraphe a déjà abordés mais qu’il a voulu retravailler au prisme de la maturité, de la paternité et pour avoir aussi vécu un changement de sexualité.

“Je me sens mieux pour approfondir ces sujets qui me passionnent : qu’est-ce que la sexualité, qu’est-ce que c’est que d’être un être humain hétéro, homo ? Ceci est mis en regard avec les événements d’aujourd’hui, ce monde qui a changé, devenu fou avec la montée de l’intégrisme. Je suis d’obédience musulmane et il me semblait intéressant de travailler sur ce texte qui vient de la Bible et de la Torah. Quelle ouverture d’esprit que d’avoir intégré dans ces livres sacrés des textes érotiques, sensuels, écrits il y a deux mille ans, car l’on sait bien que la religion censure le plaisir.”

Le metteur en scène Mikaël Serre poursuit, en soulignant que le contexte religieux était alors différent : “La religion n’était pas encore constituée, rigide comme aujourd’hui. On retrouve la source. Le texte témoigne d’un passé archaïque mais généreux, avec des sentiments rendus visibles, tels l’amour et la sexualité, avec cette recherche de sens, la question de l’inconnu, de Dieu. Ces gens avaient un message à faire passer à la génération future, mais l’ouverture possible n’a pas été suivie, c’est une évidence.”

“Un Sacre du printemps sans sacrifice”

Dans ce Cantique, Abou Lagraa explore de nouveau le duo, autour de thèmes inspirés par ce chant d’amour : “J’ai travaillé sur les notions de fusionnel, d’ambiguïté, le dédoublement homme/femme, la sensualité, le lyrisme, l’opposition pudeur et érotisme, la parité du désir, la transformation des états, le féminin qui domine, la séparation aussi, car dans le Cantique elle est souvent évoquée comme un moyen de recréer le désir. En fait, le Cantique, pour moi, c’est un Sacre du printemps sans sacrifice ; le seul sacrifice qu’il y a, c’est la séparation !”

Le Cantique des cantiques – Mardi 15, jeudi 17 et vendredi 18 septembre à 20h30, mercredi 16 à 19h30, à la Maison de la danse.
• Cet article est un extrait de celui qui est paru dans le mensuel Lyon Capitale de septembre, disponible ici.
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