Acmé, le dernier solo de Karim Amghar évoque la maladie et le corps en souffrance qui jamais n’a renoncé à la danse. Une pièce coup de poing marquée par une écriture intelligente et les mots fulgurants d’Akhénaton… A découvrir !
Issu du hip-hop, mais formé aussi au buto et au contemporain, le danseur et chorégraphe Karim Amghar réussit, avec Acmé, un pari qui est celui de nous parler de sa vie intime sans tomber dans le pathos, au cœur d’une écriture efficace et subtile. Blessé par l’ablation de vertèbres suite à la présence d’un staphylocoque doré, son corps se transforme ici en manifeste qui se souvient et se révolte contre la maladie. La sienne, mais aussi celle qui a fait disparaître sa mère, son frère et récemment son père et celle qui touche encore, sa sœur. S’il s’agit d’évoquer la douleur et l’amour, il est surtout question de lutte. Celle que chacun de ses proches a mené jusqu’au bout, celle d’un danseur qui dans l’abandon du corps, est allé puiser toutes les forces restantes pour continuer à danser encore. Le solo est construit d’une manière cohérente, porté par un travail vidéo pertinent et sensible.
Le chorégraphe joue finement avec son corps parfois statique ou qui amène lentement le geste, et les images vidéo mouvantes à l’intérieur desquelles sont saisies les photos des regrettés, devenus vivants. Le blanc de la scénographie évoque par moment l’hôpital, lieu de souffrance et de résistance. A d’autres moments, ce blanc est celui, peut-être, du paradis où l’on entend un cœur battre. Les lumières, enveloppantes ou repoussantes, prennent aussi cette couleur bleue rappelant à la fois le liquide amniotique, symbole d’une vie future et le flou de ces échographies qui scrutent les anomalies à l’intérieur du corps.
Une apothéose finale
Mais que ce soit au sol ou à la verticale, le chorégraphe laisse aussi échapper la violence du refus. Et pour détourner la difficulté et revendiquer une renaissance, il invente une autre danse. Ainsi, l’utilisation poussée à l’extrême des bras et des mains qui se suffisent à eux-mêmes pour créer et envahir un espace imaginaire. Les jambes qui projettent le mouvement vers l’extérieur, exprimant le désir d’un corps qui veut se libérer de toute emprise. Au centre, il y a cette colonne vertébrale qui finalement dirige, sans en avoir l’air, la liberté retrouvée du danseur. Acmé est un hommage à sa famille, un regard sur son enfance et ses amitiés, par touches, justement pour dire que l’essentiel est là. Et quand le chorégraphe s’assoit en silence, dans un fauteuil blanc, l’émotion est à son comble. La voix d’Akhénaton nous saisit, on l’entend clamer un poème qu’il a écrit pour le père de Karim. L’un après l’autre, les mots ressemblent à des coups de poing et nous renvoient direct à notre propre histoire. Le chorégraphe nous regarde simplement et tout est dit !
Acmé de Karim Amghar. Le 18 juin à la Comédie de Valence et en Juillet au Festival de Valence et d’Avignon.
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