Laure Marsac
© Christian Ganet

De quoi fouetter une Chatte !

Claudia Stavisky signe une excellente mise en scène de Chatte sur un toit brûlant, basée sur une interprétation fiévreuse mais fidèle des personnages de Tennessee Williams. Critique.

Le seul petit regret qui nous a saisi lors du début de Chatte sur un toit brûlant, mise en scène par Claudia Stavisky en ce moment aux Célestins, est de ne pas avoir vu le spectacle lors de sa création au château de Grignan, cet été. On imaginait sans peine combien les chaudes nuits ardéchoises devaient renvoyer à cette nuit étouffante dans une propriété du Mississippi où se déroule l’œuvre de Williams. D’un sud l’autre, en somme… Mais ce regret fut vite balayé par la manière dont nous ont captivé les personnages qui se trouvent réunis sur un plateau transformé en un vaste salon, débouchant sur une terrasse tout aussi spacieuse, devant laquelle l’épaisseur des arbres laisse deviner un ciel étoilé.

Comme par effraction, nous sommes plongés au cœur d’une réunion de famille dans la demeure d’un grand-père, riche propriétaire de plantations de coton dans le delta du Mississippi. Sa femme, ses deux fils, ses deux belles-filles et un révérend qui suinte l’hypocrisie lui font face, se réjouissant d’une façon factice d’excellentes nouvelles concernant sa santé. Tandis que jouent ses petits-enfants.

Moiteur

La tension monte rapidement. Tout aussi vite que le fils préféré enquille les verres de whisky. Comme si cette atmosphère étouffante, moite ne pouvait déboucher que sur un règlement de comptes où les fleurets cesseraient soudain d’être mouchetés. Et c’est bien ce qui arrive, comme un orage nécessaire pour sauver ces existences à la dérive. Le “misérable petit tas de secrets”, à quoi André Malraux résumait toute existence humaine, va en effet se révéler au cours de cette soirée terrible. Avec une violence inévitable.

L’alcoolisme, les blessures intimes du fils cadet seront décortiqués aussi bien que les calculs minables du fils aîné pour s’approprier l’héritage du doyen. La sensualité devenue insupportable frustration de la femme du premier, la fameuse “chatte sur un toit brûlant”, sera exhibée aussi bien que l’esprit étriqué de sa belle-sœur. Tandis que le propriétaire des lieux confessera l’amère duplicité de toute son existence, les sentiments teintés de fausse compassion qu’il porte à son épouse. C’est en effet ce qu’il y a de plus sombre dans l’âme humaine que la plume de Tennessee Williams va puiser dans les ténèbres. D’une manière bouleversante.

Justesse

Comme elle l’avait fait pour Mort d’un commis voyageur, Claudia Stavisky rend justice au texte, loin de l’esprit manichéen des films tirés de ces deux œuvres par l’industrie hollywoodienne. On en oublie même les prestations qu’offrirent Elizabeth Taylor et Paul Newman des deux personnages principaux dans le film de Richard Brooks. Il n’y a aucune esbroufe dans cette lecture de la partition de Williams. Mais la volonté d’en faire retentir chaque note avec la juste sonorité. Et de restituer à chaque personnage sa complexité. Christiane Cohendy (la grand-mère) et Alain Pralon (le grand-père), deux monstres sacrés du théâtre français, s’emparent de leur rôle avec une force et une énergie qui n’ont rien à envier à celles déployées par Laure Marsac (la Chatte) et le fiévreux Philippe Awat (son mari).

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Chatte sur un toit brûlant. Jusqu’au 20 octobre, à 20h (16h les dimanches), au théâtre des Célestins, Lyon 2e.

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